Le vote sur la PMA pour toutes aura-t-il lieu avant l’été ? Avant la fin de l’année ? Avant l’élection de Bilal Hassani à la présidence de la République Française ?
Nous en sommes en mars 2019 et les parents LGBT sont toujours traités comme des sous-parents face à la procréation, l’adoption et l’administration. On nout dit que c’est pour le bien de l’enfant, qu’il faut bien réfléchir aux conséquences que cela aura. Pourtant les familles homoparentales existent et leurs enfants (et petits-enfants) se portent bien. On ne les voit pas forcément au JT mais on les voit définitivement sur nos écrans.

A bien des égards, la décision d’Andréa et Colette d’avoir un enfant dans Dix pour cent a peut-être fait plus pour les droits des parents LGBT+ et de leurs enfants que la couverture journalistique de ce sujet depuis six ans. Depuis la sortie de la série en 2015, des millions de Français et Françaises se sont pris d’affection pour ce couple. Cette année, elles et ils les ont vu se poser la question de la parentalité, s’émouvoir devant un ventre rond, stresser devant les responsabilités à venir. Quoi de plus naturel en somme ? Le sujet de la grossesse dans les couples de femmes n’est plus abstrait, mais terriblement concret, universel et personnel.
En plus de ce magnifique travail de normalisation, la série a permis de mettre en avant l’injustice et l’absurdité totale de la législation en ce qui concerne la reconnaissance des enfants par les mères homos. Un parcours du combattant que les téléspectateurs et spectatrices françaises ne peuvent plus ignorer.
Cela fait des années que la télé américaine met en scène des couples homos qui vivent une PMA, GPA ou adoptent des enfants. Dans le premier épisode de Queer as folks, en 2000 déjà, Lindsay et Melanie donnaient naissance à leur fils, tandis que la première saison de The L Word (2004) voyait Bette et Tina essayer de tomber enceintes.
Des séries non-communautaires vont les suivre. Pour des séries comme Six Feet Under et Brothers & Sisters, l’envie de parentalité de leur personnage gay, respectivement David et Kevin, sera la seule évolution logique après plusieurs saisons à apprendre à accepter leur homosexualité et leur normalité.

Dans les séries très grand public, ce sont des personnages secondaires queers qui finiront aussi par accéder à la parentalité. Rob et Lee aussi bien que Callie et Arizona auront des enfants dans les saisons 7 de Desperate Housewives et Grey’s Anatomy (2011 dans les deux cas).
L’année d’après, Ryan Murphy chéri sortira The New Normal, une sitcom grand public, semi-autobiographique, qui s’intéresse à l’aventure de la grossesse vécue par deux hommes, leur mère porteuse, sa fille et sa grand-mère homophobe. Quand on regarde cette série, assez sympa mais parfois cliché, on réalise à quel point la représentation de l’homosexualité et l’homoparentalité a évolué ces dernières années.
L’homoparentalité est de moins en moins traitée comme un aboutissement dans la vie de personnages queers ou un sujet de discrimination. Elle est un élément comme un autre de la vie d’une famille. Dans Glee, aussi créée par Ryan Murphy chéri, les parents de l’ado diva Rachel sont deux hommes. Dans les récentes séries Elite, Sex Education et Le Prince des Dragons (un super dessin animé pour enfants par le créateur de Korra disponible sur Netflix), Polo, Jackson et Aanya sont élevé·es par des mères queers.
Toutes ces séries ont en commun de mettre en scène un groupe d’ados ou enfants, les parents y jouent donc des rôles secondaires. Qu’ils soient homo ou hétéro, on ne les voit pas beaucoup. Ce qui compte ici, ce sont les enfants. Les filles et fils de parents LGB sont aussi équilibrés que les autres, elles et ils ne sont pas victimes de discriminations, ne vivent pas des vies difficiles et ne se posent pas 25 000 questions sur leur situation familale. Leurs parents sont comme les autres, toujours aimants, parfois étouffants, exigeants. Ces séries sont puissantes car elles montrent que l’homoparentalité est presque un non-fait. Les familles homoparentales existent et n’ont pas besoin de se justifier.
Pour voir des vies de famille homoparentale, il faudra plutôt se tourner vers les séries familiales grand public à la Modern Family (2009), qu’on ne présente plus, ou The Fosters (2013). Dans cette dernière, inédite en France, Stef et Lena élèvent quatre enfants, biologiques, adoptés et accueillis. Dans ces deux séries, on voit ces familles rire, s’amuser, s’engueuler, s’aimer. Ces séries ne nient pas les défis propres aux familles homoparentales mais les traitent avec la même importance que les autres défis que peuvent rencontrer des familles, que cela soit les questionnements des enfants adoptés, le racisme et sexisme à l’école, la répartition des tâches à la maison ou la puberté des enfants.
Avec du retard (comme d’hab), la France s’y met. Depuis 2017, Demain nous appartient, le feuilleton de TF1 regardé par plus 3 millions de Français et Françaises chaque jour, met en scène un couple de femmes, Sandrine Lazzari et Laurence Moiret, et leurs deux garçons. Enfin, jusqu’à ce qu’elles se séparent ! Ouais je balance du spoil sans état d’âme. Mais si vous avez lu la presse, vous savez que Sandrine sort désormais avec une trans. Que de rebondissements. Ca donne limite envie de regarder les 400 épisodes sortis ces deux dernières années.
Les séries sont bien plus puissantes qu’un témoignage dans un article ou un discours à l’Assemblée nationale. Elles permettent au public de découvrir l’intimité des familles homoparentales, de s’attacher à leurs membres, de se mettre à leur place, de vivre leur vie. Qu’elles soient des comédies ou des drames, politisées ou pas, ces séries permettent de normaliser ce modèle familial. L’homoparentalité s’efface et laisse place à la famille.
Sortez le pop-corn ? |
? The Magicians, Syfy
Lors de ma première tentative, j’ai arrêté de regarder The Magicians au bout de 4 épisodes. Mon verdict prématuré : cliché et sans âme. Reprendre cette série a été la meilleure décision sérielle que j’ai prise cette année.
The Magicians, c’est un peu la rencontre entre Game of Thrones, Harry Potter et Queer Eyes. La série suit un groupe d’étudiant·es paumé·es qui se rencontrent à Brakebills University, une grad school qui enseigne la magie. A partir de la saison 2, la série explore le monde surréel de Fillory et ses personnages secondaires et devient alors la série sur des vingtenaires la plus belle, drôle, réaliste et émouvante du moment.
Subversive et méta, The Magicians reprend tous les tropes du genre fantastique et les renverse : la mariée n’est pas vierge, le mec blanc hétéro n’est pas le personnage principal, le roi Eliot épouse un roi. Vous l’avez compris, la série est aussi queer AF !
On aime tout : les tenues d’Eliot dignes de Billy Porter, la fluidité sexuelle décomplexée des personnages (watch out pour le threesome de la saison 1), les numéros musicaux (cet incroyable mashup de Les Misérables et Black Panther…) et les blagues sexuelles gays (Cock Barrens… les vrai·es savent). Eliot devient progressivement l’âme de la série, accompagnée de sa meilleure amie, l’hilarante bitch au grand coeur Margo.
La série met aussi en scène des personnages racisés et muets dans des rôles loin de tout cliché. Souvent, “l’inclusivité » a l’air forcée dans les séries, pas ici. Tous ces personnages interagissent avec naturel et réalisme. Le casting y est peut-être pour quelque chose : Hale Appleman (Eliot) est gay, Marlee Matlin (Harriet) est sourde et muette, Candis Cayne (la Fairy Queen) est trans. YES PLEASE !
Cerise sur le gâteau, la série ose des épisodes à la narration aussi audacieuse que réussie. Je pense aux épisodes « A Life in the Day », « Six Short Stories About Magic », « Escape from the Happy Place » ou même l’épisode de cette semaine qui détruit le “biais cis hétéro blanc” (leurs mots pas les miens).
P.S Puisqu’on me ventait la saison 2, j’ai initialement choisi de regarder un récap de la saison 1 et d’aller directement à la saison 2, je l’ai regretté. Faites l’effort de regarder la saison 1, ça vaut le coup.
Pour celles et ceux qui sont à jour dans la série, je vous recommande vivement cet article sur l’oeuvre qui a inspiré la relation entre Eliot et vous savez qui.
L’actu paillettes ✨ |
Emma Thompson s’engage contre la transphobie. Preach! [Out]
Mon rêve pour 2019 : que les comédies romantiques arrêtent de donner à leurs héroïnes un « gay bestfriend » cliché. Ca s’annonce bien avec Someone great. Gina Rodriguez y aura deux meilleures amies dont une lesbienne. Yes ! [Entertainment Week]
Marvel cherche un acteur gay pour jouer dans son prochain film sur les Eternels. Si ça continue comme ça, cette newsletter ne servira bientôt plus à rien. [Out]
Surprise ! Beaucoup de films mettant en scène des lesbiennes ont des relents lesbophobes. [Genre-ecran]
Bollywood : Ingrid Therwath nous raconte l’ambiance dans les salles de ciné qui diffusent la première comédie romantique lesbienne, Ek Ladki Ko Dekha Toh Aisa Laga. [Telerama]
Vous avez aimé la bd Rock & Riot ? Mathilde Loire, l’autrice de notre numéro spécial comics, a bien plus de web comics queers à vous recommander. [Komitid]
L’alliée : Julianne Moore ? |

Difficile de parler d’homoparentalité sans penser à The Kids Are Alright (2010) et donc à Julianne Moore. Il parait que c’est l’actrice qui a joué le plus de personnages queers. C’est probablement vrai, l’actrice a joué sept femmes queers ou sexuellement fluides. Le total a bien failli être plus élevé. Cette semaine, Julianne Moore expliquait avoir été virée de Can You Ever Forgive Me?, inédit en France, dans lequel elle aurait dû jouer l’écrivaine lesbienne Lee Israel. C’est Melissa McCarthy qui a pris sa place et a obtenu une nomination aux Golden Globes et Oscars. A côté de ça, l’actrice a joué dans des films qui exploraient la relation de son personnage avec des hommes queers (son fils, son mari, etc). Côté vie privée, elle s’est exprimée et a agit pour un meilleur traitement de l’épidémie du Sida et le droit au mariage pour tous et toutes. Bref, c’est une icône queer.
Le quart d’heure musical ? |
Petit chaton Troye Sivan était malade cette semaine et a dû annuler son concert parisien. Pour me consoler et apaiser votre peine, voici une sélection 100% Troye. A retrouver sur Spotify et Deezer.
Sur ce, je m’en vais dévaler les pistes. Mon excitation est à son comble, je suis définitivement prête pour une semaine à oublier que la pollution et l’homophobie existe. Pas de newsletter dimanche prochain, comme ça vous pourrez en profiter pour rattraper votre retard en séries.
Love and kisses,
Aline