Il faut se méfier du mois d’août. Il a l’air calme, inoffensif, presque chiant le mois d’août et pourtant… Ces dernières semaines, j’ai été à la fois énervée (par l’annonce de l’annulation de The OA), émue (par la magnifique deuxième saison de Pose) et confuse (face à la réaction des LGBT+ au film Adam). Il y a aussi eu la dernière saison de Orange is the New Black qui m’a foutue en vrac, mais je vous en parlerai la semaine prochaine. Bref, grab your popcorn les unicorns, voici un numéro spécial recap du mois d’août.

1- The OA a été annulée
Au quatre coins du monde, et dans absolument toutes les dimensions, les fans de poésie queer et de sci-fi existentielle pleurent. Netflix, l’a annoncé : il n’y aura pas de saison 3 de The OA. C’est un coup dur qui rappelle l’annulation de la série Sense8 en 2017. 

Comme Sense8, The OA est une série qui utilise la science-fiction pour aborder des thèmes foncièrement queers. Ces deux séries racontent avant tout la solitude de personnes qui ne rentrent pas dans les cases et qu’un événement extraordinaire va réunir. Comme Sense8, The OA est une série qui met en scène plusieurs personnages LGBT+, à la fois principaux et secondaires. Le personnage du jeune ado trans asiatique Buck restera notamment dans les annales. Comme Sense8, The OA est une série magnifique, mystérieuse, lumineuse. Une oeuvre d’art à la photographie et la musique envoûtantes.

Normal, ces séries ont été créées par des artistes visionnaires bien placées pour comprendre ce sentiment de ne pas avoir sa place dans la société. Ce sont en effet les sœurs Wachowski (Matrix), toutes deux trans, qui ont créée Sense8, et le duo Brit Marling et Zal Batmanglij (The East) qui ont créé The OA. Brit Marling, qui joue le rôle de the OA, et Zal Batmanglij, un homme gay d’origine iranienne, ont monté une équipe très féminine et LGBT+. Le générique a été écrit par le frère de Zal Batmanglij, Rostam, cofondateur de Vampire Weekend désormais musicien solo et producteur, lui aussi gay, et deux des trois rares épisodes à ne pas être réalisés par Zal Batmanglij ont été réalisés par l’extraordinaire Andrew Haigh (Looking).

Les deux séries ont été diffusées au début de l’expansion sérielle de Netflix, respectivement en 2015 et 2016. Aujourd’hui, Netflix semble vouloir se défaire des séries audacieuses et queers qui ont participé à son image de plateforme courageuse et miser sur des séries bien gentilles. Et le mécontentement s’intensifie. De nombreux·euses fans de The OA ont tweeté leur colère avec des hashtags comme #RenewTheOA ou #SaveTheOA. Quelques un·es sont allé·es jusqu’à manifester devant l’immeuble de Netflix et faire une grève de la faim. Certain·es refusent tout simplement d’y croire et estiment que l’annulation de The OA n’est qu’un coup de comm méta qui ferait écho au twist du dernier épisode (franchement, j’ai envie d’y croire). Vendredi, Brit Marling a publié un très beau texte pour remercier les fans et confirmer que la série était belle et bien annulée. Qu’un ange intervienne et rectifie ça !

2- La deuxième saison de Pose est finie et je ne sais plus quoi faire de ma vie
Que vais-je faire de mes mercredis soirs ? Comment vais-je dégager mes sinus et humidifier mes yeux ? Où vais-je trouver la dose d’optimisme dont j’ai besoin pour survivre à ce monde en pleine dérive ? Pas prête à tourner la page, je vous livre un dixième de mes notes (garanties sans divulgachage) sur cette saison intense. Si vous ne savez toujours pas de quoi parle cette série queer déjà culte, je vous redirige vers le #31 de cette newsletter.

A-t-on déjà fait plus politique que cette saison ? Tout au long de la saison, la série a mis en avant l’énorme impact de l’épidémie du Sida sur le New-York LGBT+ de l’époque, l’inaction des politiques et des groupes pharmaceutiques, les meurtres de femmes trans et l’importance de la solidarité au sein de la communauté (je vous en parlais plus en détail dans le #31). Ce n’est pas prêt de s’arrêter puisque le co-créateur et producteur Ryan Murphy a récemment expliqué qu’il aimerait que Pose se finisse en 1996 quand les trithérapies furent mises sur le marché. 

Les Evangelistas sont mes nouveaux roles models professionnels. Cette saison, Pose s’est intéressée aux carrières des différent·es membres de la House of Evangelista et surtout à celles d’Angel et Blanca. La saison aborde les difficultés et les opportunités que ces deux femmes trans rencontrent avec réalisme. L’outing d’Angel en pleine séance photo par exemple est inspiré d’une histoire vraie. Les haters peuvent hater, ces deux-là ne vont pas se laisser abattre.

La scène de sexe de Pray Tell était parfaite. Ultra-sexy et en même temps douce, avec un vrai gay-gaze, aïe caramba ! A l’origine, la scène devait s’arrêter quand les hommes s’embrassent mais Steven Canals a décidé qu’il était temps qu’on montre des hommes gays noirs faire l’amour. Je n’arrive toujours pas à m’en remettre. Pour Billy Porter, qui joue Pray Tell, c’était une première puisqu’il n’avait jamais joué une seule scène de sexe en 25 années de carrière ! Je veux pas pointer du doigt mais bon ? racisme et homophobie.

Je veux que quelqu’un·e m’aime comme Papi aime Angel. Vous aviez déjà vu un couple sexy, sain et mignon entre un homme cis et une femme trans ? Il n’y a pas de fétichisation, pas de violence, Papi n’est ni tourmenté ni honteux de la transidentité d’Angel. Pour lui, Angel est une femme, point barre. Véritable allié, il décide dans l’épisode finale de soutenir plus de femmes trans. Je fonds. 

On parle de Billy Porter qui joue le mec qui ne sait pas marcher avec des talons ? Billy Porter, c’est l’acteur qui a prouvé au monde qu’un homme en robe-smoking c’était sexy et qui a obtenu un Emmy en jouant un drag queen dans la comédie musicale Kinky Boots. Alors voir Pray Tell chanceler en drag dans le dernier épisode, c’était le clin d’oeil parfait.

Blanca a rendu hommage à Whitney Houston, la plus grande martyr afro-queer qui aie jamais existé, en reprenant en playback sa version de l’hymne américain et j’avais des frissons. Dans EW, la productrice Janet Mock explique qu’il s’agissait d’une réappropriation de l’hymne. “We’re reclaiming it in this super subversive way by having black and brown queer and trans characters, like there’s a shot that where she lip-syncs “for the land of the free” and then we pull out to the wider entire ballroom. This is our country as well.“

3- Aux Etats-Unis, le film Adam se fait démonter par la communauté trans
Adapté d’un livre controversé, Adam raconte l’histoire d’un ado cis-hétéro inexpérimenté, le Adam du titre, qui suit sa sœur cis lesbienne en soirées queers. Un soir, une jolie lesbienne cis le prend pour un homme trans et il décide de ne pas la contredire pour la séduire. C’est le début des mensonges.

Dire que ce film a été critiqué serait un euphémisme. Avant même la sortie du film, le 15 août aux Etats-Unis, des pétitions demandaient l’annulation du film qui était noté 1,7 sur 10 sur IMDb. Les anti-Adam reprochent principalement au film de s’inscrire dans une tradition de n’écrire des personnages trans ou queers que pour aider un homme cis à devenir une meilleure personne, mettant ainsi les personnes trans et queers en arrière plan. Iels critiquent aussi le fait qu’une lesbienne puisse tomber amoureuse d’un homme, comme si un homme trans n’était qu’une femme déguisée en homme et que certains termes utilisés soient gênants. La liste est longue. Je vous recommande cet article du New York Times pour comprendre rapidement l’affaire. 

Le film n’a pas toujours été ennemi n°1. Avant qu’internet s’empare du sujet, les critiques des médias LGBT+ étaient même positives. Le film était décrit comme mettant mal à l’aise mais audacieux et beau. Ecrit par l’autrice lesbienne Ariel Schrag et réalisé par le réalisateur trans Rhys Ernst, le film réunissait de nombreux acteurs et actrices trans et LGBT+. Bref, c’était un film difficile mais définitivement queer.

Il y a beaucoup de choses qui me fascine dans cette histoire : le jugement par les internautes d’un film avant même de l’avoir vu, l’emballement des réseaux sociaux, la façon dont les critiques ont changé leur opinion mais aussi ce que cela dit de notre obsession pour le politiquement correct. 

Ces derniers temps, plusieurs films et séries ont été annulées ou coupées avant leur sortie parce que leur sujet était sensible et que les studios avaient peur ou affrontaient une levée de boucliers. Je pense à la série Heathers sur une tuerie dans un lycée américain (une pépite queer hilarante disponible sur les internets) ou le film The Hunt sur des milliardaires qui s’adonnent à la chasse en poursuivant des êtres humains. Cette lâcheté empêche l’art de faire ce que l’art doit faire : créer une discussion, faire réfléchir. 

“It’s a really difficult time to tell a complicated story”, explique Rhys Ernst, le réalisateur d’Adam dans Them. Il y explique que son objectif était de discuter de la place des allié·es dans nos communautés. “It’s about allies and cisgender people overstepping and making mistakes”, continue-t-il. “I think [it] is an interesting conversation to have in 2019 when it’s Stonewall’s 50th, gay advertising is everywhere, and straight people are like, “Yay, it’s Pride! It’s for me and everyone!” Is it? There’s not really a ‘yes’ or ‘no’ answer. It’s a complicated answer.”

Dans cette interview, Rhys Ernst évoque un autre point qui m’a fascinée : l’évolution du monde militant. Adam a lieu en 2006, une époque de réflexion sur la transidentité et les identités queers. Pour la scénariste et le réalisateur qui faisait partie de la communauté queer de Brooklyn à l’époque, il n’était pas rare qu’une lesbienne sorte avec un homme trans ou qu’un homme cis soit décrit comme un “bio guy”. La communauté LGBT+ évolue, elle apprend, elle vit des modes aussi. Ce qui était ok à une époque ne l’est plus maintenant – faut-il pour autant oublier cette époque ?

L’actu paillettes ✨

Les réacs n’ont pas du tout aimé qu’un personnage de Plus belle la vie ait conçu son enfant via la GPA. [RTL]

La première saison d’Euphoria montre à quel point réprimer son désir queer peut mener à la violence masculine. [Them]

IMDb, le Allociné américain, a accepté de ne plus afficher le dead name des acteur·ices trans. Enfin presque… [Out]

Netflix prépare un film sur l’Eurovision ? Mais il a l’air hyper hétéro-pas-drôle ? [Glamour]

La bande-annonce de The L Word: Generation Q est arrivée. Je vais être honnête, j’ai pas trop aimé, trop aseptisée (est-ce que tout le monde va être beau, riche et mince ?) et pas drôle (nan mais cette blague sur Time’s Up… so 2018). Mais, le recap scène par scène d’Autostraddle m’a un peu hypée. [Autostraddle]

France 2 a diffusé cette semaine le téléfilm Le Mari de mon mari, sur une femme qui se sépare de son mari suite à son coming-out. Ce fut un succès en termes d’audience mais pourquoi avoir mis quatre ans avant de le diffuser ? [Twitter @J_M_Renault]

Le quart d’heure musical ?

Et maintenant, petit récap des sorties musicales par des artistes LGBT+. J’ai été particulièrement touchée par le clip de “Hey Jesus” de Trey Pearson, un ex-leader d’un groupe de rock chrétien, épatée par celui de “45” de Titus Burgess aka Titus Andromedon (les fans savent) et toujours amoureuse de l’univers visuel de Brockhampton. A retrouver sur Spotify et Deezer.

Hey Jesus, Trey Pearsons / 45, Tituss Burgess / I'll be back someday, Tegan and Sarah / Boy Bye, Brockhampton / Hurry on home, Sleater-Kinney

Wow, c’était une longue newsletter. Dès la semaine prochaine, la newsletter retrouve son format habituel. Il serait temps de mettre l’été derrière nous.