Flashback. Nous sommes en octobre 2018, le monde se réchauffe, Trump est au pouvoir, la PMA ne passe pas mais sur une île d’indestructibles grand-breton·nes, les personnes bisexuelles passent à la télé.
Dans The Bisexual, une série écrite et réalisée par Desiree Akhavan (Come As You Are aka The Miseducation of Cameron Post) et diffusée originalement sur Channel 4, Leila s’essaye aux relations hétérosexuelles après avoir rompu avec sa copine avec qui elle était depuis 10 ans. A peu près au même moment, The Bi Life, une émission de rencontres bisexuelles animée par Courtney Act de Ru Paul’s Drag Race, débarque sur la chaîne E!. Chacun à leur façon, ces deux programmes mettent en avant une partie de la communauté LGBT longtemps oubliée.
Ces dernières années, nous avons eu le droit à de plus en plus de personnages bis. Mais il s’agit souvent de caricatures, d’êtres obsédés par le sexe, à la morale floue, qui trompent et manipulent à tout-va (Kalinda Sharma, Annalise Keating, Oberyn Martell ou Frank Underwood) et/ou de personnages secondaires (Callie Torres et, ne nous mentons pas, Piper Chapman). Dans la majorité de ces séries, ces personnages ne parlent pas de leur bisexualité, elle n’est d’ailleurs bien souvent pas nommée. De toute façon, ces séries traitent de survie en milieux dangereux (Westeros et le tribunal, même combat), les relations amoureuses sont secondaires. Quelques séries donnent un peu plus d’épaisseur aux relations amoureuses des personnages bis – mentions spéciales pour les séries pour ados (Glee, Skins, Chasing Life, etc), les comédies (Brooklyn Nine-Nine, Crazy Ex-Girlfriend) et Halt and Catch Fire (toujours donner une mention spéciale à Halt and Catch Fire) – mais elles n’abordent presque jamais ce que cela veut dire d’être bisexuel·le ou pansexuel·le.
Heureusement, les séries queers sont là ! A leur époque, Queer as Folk et The L Word avaient (un peu) abordé le sujet. Je vous l’accorde, ça date, mais depuis, les programmes grand public qui suivent les aventures romantico-sexuello-amicales d’une bande de potes LGBT+ se font rares. The Bisexual et The Bi Life arrivent donc doublement au bon moment. D’un, elles se glissent dans ce type négligé et de deux, elles proposent un regard neuf sur la vie des LGBT+ En mettant la bisexualité au centre de la conversation, elles participent à rappeler que les bis existent vraiment, qu’elles et ils vivent des micro-agressions régulières (de la part des homos et des hétéros) et qu’elles et ils ne correspondent pas aux clichés. Courtney Act en parle d’ailleurs très bien dans Têtu.
Oui mais pour que ces programmes aient un impact sur le grand public encore faudrait-il que les hétéros les regardent. Les premières critiques de The Bisexual que j’avais entendues/lues faisaient de cette série un Girls ou Fleabag fade. Ca sentait les hétéros qui n’avaient rien compris. Bingo ! Quand on est queer, la série est vécue de façon tout à fait différent. Fine et réaliste, c’est une oeuvre unique. Je peux comprendre que les hétéros soient passé·es à côté. Elles et ils ont dû se coltiner des références à The L Word et une conversation sur les poils des aisselles – de quoi les effrayer les chatons. Mais c’est justement ce qui rend cette série si belle. La série aborde avec réalisme la vie d’une personne bi, ses soirées entre lesbiennes, sa relation avec son ex, sa peur de ne plus être vue comme queer et de ne plus appartenir à la communauté qui l’a tant aidée, son incompréhension des ados qui se considèrent toustes queers, sa découverte du fonctionnement des hommes hétéros. Cette série n’est pas fait pour plaire aux hétéros, elle est faite pour être vraie. Prochainement sur Canal +.

Sortez le pop-corn ? |
? Conversation with friends, de Sally Rooney
Une heure après avoir commencé Conversation with Friends, j’ai été prise d’une émotion fulgurante provoquée par une réalisation hallucinante : pour la première fois de ma vie, je lisais un roman avec un personnage qui me ressemblait. Pas un gay, ni une lesbienne ou une bi politiquement correcte, non ce personnage était une pansexuelle émancipée des carcans de l’hétéronormativité. Mieux, c’était le personnage principale. Plus que mieux, le roman était écrit à la première personne. Alors, vous me direz que je n’ai pas passé suffisamment de temps à Des mots à la bouche, la librairie LGBT de Paris, que je n’ai pas cherché suffisamment, c’est vrai. Mais un livre ne serait pas pop culture s’il fallait fouiller l’internet pour le trouver (Alors vous allez me dire c’est quoi un livre pop culture ? C’est une très bonne question que je me pose tous les soirs avant de me coucher).
Bref, ce best-seller irlandais de Sally Rooney raconte la vie de Frances, une jeune femme queer communiste, dont la meilleure amie n’est autre que son unique ex, Bobbi, une lesbienne anti-système qui prend de la place, qui tombe amoureuse d’un homme plus vieux et marié. La plume est légère et moderne, l’histoire captivante, les personnages complexes, les scènes d’amour délicates et intenses. Cela aurait suffi pour que je recommande ce livre à tout le monde mais il y a plus : ce livre est farouchement queer.
1- Frances est amie avec son ex et ça ne pose pas de problème. Si ce n’est pas queer, ça ? 2- Frances lutte entre envie de normalité et fierté queer. L’homme plus vieux est un acteur trentenaire beau-gosse marié à une artiste brillante et vivant dans une magnifique maison en banlieue. En un mot, il est la bourgeoisie que Frances abhorre. Jeune et idéaliste, elle doit faire la paix entre ses valeurs et la réalité. 3- Dans le même genre “acceptation de sa part de normalité”, Frances doit accepter d’être attirée par un mec. Son ex regarde ce choix avec incompréhension. Qu’elle crush sur un mec pourquoi pas, lui dit-elle à un moment, mais avec un mec bi ou gender fluid au moins, pas un mec hétéro de base ! Plus tard, l’ex couronnera sa réflexion avec le magique : « Sex with men, how weird ». Que les pansexuel·les qui se reconnaissent dans ce dilemme lèvent la main ! 4- Le livre aborde la monogamie et le polyamour – je ne vous en dis pas plus. 5- **Attention légers spoilers** Frances s’embarque pour la première fois dans une relation sexuelle avec une personne d’un genre différent de celui de son/ses ex, expérience dont on ne parle pratiquement jamais et qui est pourtant source d’angoisse et d’appréhension (en tout cas, ça l’était pour moi). Si vous l’avez lu et voulais parler de la fin, faites-moi signe sur Twitter ! Disponible en anglais, Ed. Faber.
?Fashion Freak Show, de Jean Paul Gaultier
Si les ours en peluche habillés en corset ne vous font pas peur, je vous recommande le Fashion Freak Show, la “comédie musicale” qui essaie d’expliquer l’esprit créatif de Jean Paul Gaultier. C’est un peu foutraque, pas très cohérent mais très marrant. On y retrouve un hommage au Rocky Horror Show, une sex party underground, des d’invité·es surprise surprenant·es, et une bande son irrésistible. Comme à son habitude, JPG s’amuse à rendre la mode moins sérieuse. On y rit de Karl Lagarfield et Anna Wintour et de l’hypocrisie du milieu. A noter, le spectacle a été pensé pour être compris par des anglophones donc la prochaine fois que votre rencard américain est de passage, vous savez où l’emmener pour l’impressionner. A voir aux Folies Bergères.
L’actu paillettes ✨ |
Alors bien sûr l’actu de la semaine, c’est l’épisode final de Dix Pour Cent et son message sur l’homoparentalité. Est-ce que cela va nous donner la PMA pour toutes ? Non, mais cela va peut-être changer des opinions et ça c’est cool. [Têtu]
A moins que la news de la semaine, ce soit l’annonce d’une comédie romantique réalisé par Cléa DuVall et jouée par Kristen Stewart. J’ai beaucoup lu que c’était un cadeau de Noël avant l’heure, j’ai surtout l’impression que c’est une torture vu l’attente. [Advocate]
Hugh Jackman croit savoir d’où viennent les rumeurs sur sa prétendue homosexualité. Good try. [Têtu]
Jake Borelli a fait son coming-out en même temps que son personnage dans Grey’s Anatomy. Il dit des choses intéressantes à Têtu et me donne envie de regarder la dernière saison. [Têtu]
Janelle Monae utilise Slack et se réveille à 9h36. All hail the queen. [Fast Company]
Aura-t-on bientôt le droit à un personnage principal butch ? L’esthétique butch serait en train de devenir cool. [Antidote]
L’allié unicorn : Shawn Mendez ? |

Surprise, une nouvelle rubrique ! Alors à la base quand j’avais imaginé cette rubrique, je pensais mettre en avant des personnes alliées vraiment actives, le genre à dire des choses trop intelligentes sur les plateaux télé et à clouer le bec des homophobes sur Twitter, puis j’ai lu cet article de Shawn Mendez et mon coeur a fait ohhhh.
Shawn Mendez a 20 ans, une belle gueule, des chansons qui dépassent les 300 millions d’écoutes sur Spotify et un parfum à son nom. Le mec pèse dans le game quoi. Dans un article de Rolling Stones, la popstar parle avec une candeur touchante de ses névroses et de son homophobie internalisée. “Au fond de moi, je ressens le besoin d’être vu avec un quelqu’un – genre une fille – en public pour prouver que je ne suis pas gay », il explique. « Au plus profond de mon cœur, je sais que ce n’est pas une mauvaise chose. Mais il y a toujours une partie de moi qui pense ça. Et je déteste cette partie de moi.” Après avoir accepté que soit publiée une vidéo dans laquelle Taylor Swift le maquille, il est pris d’angoisse et finit par se calmer. “Peut-être que je suis un peu plus féminin, c’est comme ça. C’est ce qui fait qui je suis”, se rassure-t-il.
On peut voir dans ce témoignage une simple et habituelle déclaration “no homo”, j’y ai vu un témoignage honnête et nécessaire. Nous avons besoin de plus d’hommes qui parlent de leur besoin d’affirmer leur hétérosexualité et de leurs difficultés à assumer leur part de féminité, sans ça nous ne nous débarrasserons jamais de l’homophobie. (Lire aussi ce papier de Paper)
Le quart d’heure musical ? |
Aujourd’hui une sélection musicale bi. A retrouver sur Spotify et Deezer !
Je consens à recevoir vos remarques, vos envies et vos recommandations.
Bi y’all (oui, c’est un jeu de mot bi, oui, c’est pourri.)