Ces derniers temps, j’ai passé beaucoup de temps devant des dessins animés, le genre qu’on regarde en famille le samedi matin (ou, s’il faut être réaliste, devant lesquels on peut laisser ses rejetons pendant qu’on fait une énième machine). Et j’en suis encore chamboulée. La révolution queer a enfin atteint les programmes pour enfants et a donné vie à des séries incroyablement addictives et touchantes comme Adventure Time, She-Ra et Steven Universe.

Pendant longtemps, on ne voyait pas de personnages LGBT dans les programmes pour enfants – imaginez donc qu’ils soient contaminés ! Il fallait se contenter de lire entre les lignes comme c’était le cas avec She-Ra, un dessin animé des années 80 qui avait de sérieuses vibes goudous au point de devenir culte auprès des lesbiennes outre-Atlantique. She-Ra était une super-héroïne sexy et puissante qui sauve sa planète sans l’aide d’aucun homme et a une relation ambiguë avec sa némésis féline, Catra. Pas besoin d’en dire plus.

Fastforward, nous sommes en 2011. Le dessin animé complètement barré Adventure Time diffuse sa première scène avec la vampire Marceline et la Princesse Bubblegum. Au cours des saisons, elles deviendront un couple iconique connu sous le nom de Bubbline. Elles imaginent leur futur ensemble, se tiennent la main, vont en date – cute. Pour celles et ceux qui n’auraient toujours rien compris, les deux échangent un baiser langoureux dans l’épisode final de la série diffusé en septembre. Un couple lesbien sur une chaîne aussi regardée que Cartoon Network, c’est incroyable. (Les premières saisons sont sur Netflix et Prime en France)

Marceline et Princess Bubblegum font de la musique ensemble

Si Adventure Time s’était arrêté quelques années avant, Marceline et Princesse Bubblegum auraient-elles pu échanger un baiser ? Peu de temps après le lancement d’Adventure Time, Nickelodeon nous gâtait avec La Légende de Korra, un spin-off de Avatar, le dernier maître de l’air dans lequel Korra, une adolescente musclée aux pouvoirs surnaturels, est en charge de maintenir l’harmonie entre les éléments (pour faire simple). Au cours des quatre saisons, Korra développe une très “jolie relation” avec Asami, l’ex-copine de son ex-copain (bi visibility yo !!). L’épisode finale de la série les voit se tenir la main avant de traverser le Portail des esprits, confirmant qu’elles sont bien amoureuses. A l’époque, en 2014, l’épisode avait beaucoup fait parler de lui, pourtant on était encore loin d’avoir le droit à un baiser comme cela avait le cas pour leur équivalent hétéro d’Avatar, le dernier maître de l’air. Certaines saisons sont sur France 4 et Canal +, profitez-en pour la regarder, c’est poétique et philosophique et magnifique.

Revenons aux grands esprits derrière Adventure Time. Une des scénaristes, Rebecca Sugar, est partie créer Steven Universe, devenant la première femme à créer un dessin animé sur Cartoon Network. Lancée en 2013, cette série ira encore plus loin puisqu’elle imagine un peuple extra-terrestre constitué uniquement de femmes. Vous imaginez la suite. Dès la première saison, Ruby et Sapphire ont une relation fusionnelle, à chaque saison il devient de plus en plus clair qu’elles ne sont pas qu’amies. Dans un double épisode diffusé en juillet, elles se marient. Ruby la butch porte une robe blanche, Sapphire la fem porte un tuxedo, ça pleure dans les chaumières.

Ruby et Sapphire danse

Et puis, il y a quelques semaines, Netflix a mis en ligne son reboot de She-Ra, produit avec Dreamworks (rien que ça), et cette nouvelle version a transformé les rêves des Amérigouines les plus fous en réalité. She-Ra et les princesses au pouvoir a lieu dans un matriarcat coloré et poétique, prône la sororité et la puissance féminine, et met en scène des personnages qui se rient des codes de la féminité et la masculinité. La tension entre Adora (She-Ra en civil) et Catra est toujours là comme le prouve leur danse au Bal des princesses. Catra y porte un smoking bordeaux… Je n’ai pas de mot pour décrire la beauté de ce choix. Le couple entre Tournelle et Netossa est lui bien plus qu’un flirt. S’il n’y a pas encore eu de baiser, il y a eu un petit “chérie” et un câlin très clair. La saison deux nous offrira un autre couple : les pères de Bow. LA REVOLUTION.

Il y a plusieurs points en commun entre ces programmes : ils ne sont pas produits par Disney, ce sont des dessins animés, ils ont lieu dans des univers rainbow pop magiques (sauf Korra qui est plus punk steam asiatique) et ils mettent en scène des femmes. Ce qu’il faut comprendre : même en 2018, montrer un couple homo dans un programme pour enfants relève de l’audace, la levée de boucliers est une quasi-certitude, il faut donc rendre la chose aussi inoffensive que possible.

On choisit donc des femmes – c’est gentil, souriant et ça ne s’encule pas les femmes – et on s’éloigne de la réalité – il ne faudrait pas qu’on voit deux femmes de chair et d’os s’embrasser. Les dessins animés sont donc le médium parfait. Comme les personnages sont dessinés, les enfants comprennent bien qu’ils n’existent pas dans la vraie vie, ils ne sont pas réels. D’ailleurs, dans nos trois exemples, ils vivent dans des univers fantastiques régis par des règles différentes des nôtres. Les personnages ont des super-pouvoirs, des cheveux de toutes les couleurs et ont des licornes ou des lions roses comme animaux domestiques. On fait difficilement plus distant de la réalité. Il ne s’agit pas de couples d’êtres humains qui s’aiment mais de couples d’aliens qui s’aiment. Dans leur monde, les règles sont probablement différentes, leur amour y est peut-être normal.

Mais l’impact est là. Ces quatre programmes offrent aux enfants de plus de 7 ans (et aux plus jeunes dans le cas d’Adventure Time) des modèles d’adolescent·es et d’adultes qui s’aiment au delà du genre. She-Ra et Steven Universe proposent même une réflexion puissante sur le genre et les attentes sociétales. On imagine bien que les enfants ayant regardé ces dessins animés seront loin d’être choqués quand ils découvriront des personnages LGBT+ dans les séries et les dessins animés pour ado et adultes.

Sortez le pop-corn ?

? She-Ra et les princesses au pouvoir, sur Netflix

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La série s’empare des clichés sur les sorcières et les cultes sataniques pour en faire une série camp à souhait avec son lot de personnages queers. C’est too much, c’est WTF, bref, c’est le guilty pleasure par définition. S’il y a un côté Riverdale gay qui fait peur, c’est normal. Le producteur a travaillé sur Riverdale, Glee, Looking et Carrie. Ca donne le ton.

On retient surtout Ambrose Spellman, le très sexy cousin pansexuel joué par Chance Perdomo et Susie Putnam l’amie genderqueer jouée par le badass Lachlan Watson (seriously, regardez son Instagram). Pas de queer-baiting ici, on a amplement l’occasion de voir Ambrose s’adonner à la pansexualité et Susie être fière. Petit plus, ces deux acteurs sont queers IRL. Bref, sortez votre plaid et binge-watchez !

? Steven Universe, sur Cartoon Network

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Steven Universe est un jeune ado, mi-humain mi-”gem”, élevé par les Crystal Gems, trois femmes d’une autre planète, des “Gems”, qui se sont données la mission de protéger la Terre. Steven apprend à devenir un guerrier avec elles, elles apprennent à devenir humaines avec lui. Elles ont de la chance, Steven est un bon prof d’humanité : il est loyal, gourmand, drôle, courageux et sensible. Le super Pop Culture Detective s’est amusé à recenser toutes les fois où il a pleuré, fait des câlins et montré des émotions de façon très visuelle. Au cours de la série, Steven apprend à maîtriser ses pouvoirs (bouclier de protection, guérison, empathie, etc) et à devenir un adulte non violent. Bref fuck you toxic masculinity.

Autour de Steven évoluent de nombreuses Gems. Ce qui est intéressant c’est que toutes les Gems sont des femmes. En découvrant le monde des Gems, on découvre donc un monde matriacal fascinant. La série met en scène des femmes aux physiques, caractères et pouvoirs très différents qui ne rentrent jamais dans les cases de la féminité occidentale. Sur Terre, il y a quelques histoires d’amour, presque toutes entre femmes, comme la relation iconique entre Ruby et Sapphire qui se sont mariées et embrasséesà la télé lors d’une cérémonie ultra romantique et émouvante. La série est tellement disruptive qu’elle a été parfois censurée à l’étranger, même en Angleterre. Deux petits plus : Estelle, Uzo Aduba, Nicki Minaj et Natasha Lyonne font partie du casting // la série joue souvent à la comédie musicale. La série revient le 17 décembre avec une sixième saison. Dépêchez-vous donc de rattraper votre retard (la première saison est sur Netflix).

L’actu paillettes ✨

Parmi les gros films de la saison, trois sont des biopics dans lesquels l’homosexualité de ses protagonistes n’est pas un élément clé du film mais n’est pas non plus cachée et c’est bien. [HuffPost US]

Mel B des Spice Girls est queer et out. Ca, ça va spice up your life. [Têtu]

Hyphen Hyphen sort une chanson et un clip engagé et s’exprime sur sa relation à son identité queer (et féministe). [RTL Girls]

André Aciman est en train d’écrire la suite de Call me by your name. La preuve que Dieu existe. [Têtu]

Une maison d’édition publie des livres pour enfants avec des personnages LGBT+. [Komitid]

La recherche du·de·des représentant·es français·es pour l’Eurovision commence et il y a du gros level chez les queers. [Têtu]

Portia de Rossi et Ellen de Generes sont ravies qu’il y ait autant de rumeurs sur leur couple. [HuffPost US]

L’âne : Kevin Hart ?

Portrait of Kevin Hart

Yep, encore une nouvelle rubrique. Mais qu’est-ce qu’un “âne” ? Dans l’univers magique de I like that, un âne, c’est une licorne ratée, une créature bête et méchante qui tape quand on s’approche d’elle. Bref, un homophobe. Et cette semaine, l’âne c’est Kevin Hart (et les Oscars).

Cela fait bien longtemps que l’on sait que Kevin Hart, un humoriste très populaire aux Etats-Unis, est un homophobe de première. Cela n’a pas empêché l’Académie des Oscars de le choisir pour présenter sa 91ème cérémonie qui aura lieu en février. Sans surprise, ces propos homophobes violents sont ressortis (plus de détails dans The Guardian). Pendant les deux jours qui ont suivi l’annonce, Kevin Hart a d’abord refusé de s’excuser (il l’aurait déjà suffisamment fait dans le passé, estimait-il) puis a assuré avoir changé. L’Académie s’est réveillée et lui a demandé de s’excuser or else. Le comédien a donc fini par annoncer qu’il ne présenterait pas la cérémonie “pour ne pas être une distraction” et a proposé quelques mots d’excuse.

Ce qui est surprenant dans cette histoire, ce n’est pas l’attitude de Kevin Hart, qui est un cas perdu, mais celle de l’Académie. Après avoir été vivement critiquée pour son manque de diversité et sa propension à récompenser des personnes blanches et des hommes au détriment des autres (rappelez-vous #OscarsSoWhite), l’Académie avait pris quelques mesures, elle avait ainsi augmenté drastiquement son nombre de membres pour faire rentrer plus de personnes de couleur et de femmes. Ce casting de Kevin Hart semble indiquer que l’Académie n’a pas compris ce qu’on lui reprochait ou n’a pas vraiment envie de faire des efforts. Il ne s’agit de donner plus de visibilité aux personnes noires et aux femmes mais à toutes les personnes issues de minorités. Il s’agit de faire en sorte que toutes les minorités soient traitées avec respect. Bref #OscarsSoStupid, on préfère les Golden Globes dont la liste des nominations est super queer (celles des Grammy aussi).

Le quart d’heure musical ?

Puisque Mel B. fait partie du lobby, on peut mettre les Spice Girls dans cette playlist, non ? A retrouver sur Spotify et Deezer !

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Bon, zou, on se décolle de son ordi/téléphone(/tablette ?) et on va danser.

A la semaine prochaine !

Aline

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