Le premier épisode de Glee est sorti il y a (seulement ? déjà ?) dix ans. A l’époque, on regardait les séries sur Dailymotion ou à la télé, on téléchargait des chansons sur eMule, qu’on écoutait en boucle sur des iPods. A l’époque, on voyait rarement de personnages gays et lesbiens à la télé, surtout des ados, surtout des personnages principaux. A l’époque, les jeunes LGBTQ+ n’avaient quasiment aucun modèle. A l’époque, on était invisibles.
Alors, forcément, quand Glee est sorti, ce fut une secousse. Cette série a marqué le début d’une nouvelle époque en terme de représentation LGBTQ+. Enfin, des personnages LGBTQ+ avaient des rôles principaux, enfin ils avaient des histoires d’amours heureuses, enfin ils avaient des parents qui les soutenaient, enfin ils étaient traités avec autant d’importance que leurs acolytes hétéros. La série prenait à fois le temps de parler de la réalité des vies LGBTQ+ – en écrivant la violence de l’homophobie, les conséquences du harcèlement scolaire, la difficulté de faire son coming-out, le questionnement de son expression de genre, la solitude – et de donner à ses personnages LGBTQ+ des arcs qui n’avaient rien à voir avec leur appartenance à la communauté LGBTQ+.
D’aucun·es diraient que la série était mauvaise. Disons que c’était une série particulière. Glee, c’était le Riverdale de l’époque, un soap too much dans laquelle des adultes jouent des adolescent·es et un personnage par saison, au minimum, finit à l’hosto, enceint et fiancé ou marié. Cette série sans queue ni tête réussissait à envoyer valser tout semblant de probabilité tout en offrant un portrait réaliste des oublié·es des séries ados : les losers, les grosses, les handicapés, les gays, les goths. C’était un Breakfast Club baroque et acidulé, la revanche des misfits à une époque où être différent, c’était nul. Dès les premiers épisodes, les critiques ont été nombreuses et souvent, surtout dans les saisons suivantes, la série les méritait. Et pourtant, en la re-re-re-regardant après sa mise en ligne sur Netflix, j’étais bien forcée de réaliser que malgré tous ces défauts, cette série avait un effet inexpliqué sur mon corps. C’est comme un sachet des bonbons qu’on ne peut pas s’empêcher de manger. C’est sucré, pas très fin, écoeurant, mais si jouissif !

Dix ans plus tard, presque toutes les séries lycéennes comptent au moins un personnage LGBTQ+ bien traité, quelle avancée ! Pourtant, aucune n’a égalé la série en termes de nombre et diversité des personnages LGBTQ+. Faisons le récap. Il y a :
- Rachel, l’enfant d’un couple homoparental bi-racial (dont un des pères est Jeff Goldblum. Jeff ! Goldblum !)
- Kurt, le jeune gay modeux fan de Broadway harcelé à l’école (inspiré par l’ado qu’était le créateur de la série, mon Ryan Murphy Chéri)
- Blaine, le gay tiré à quatre épingles, fasciné par les divas de la pop (qui se demande le temps d’un épisode s’il ne pourrait pas être attiré aussi par les filles. Spoiler : non)
- Santana, la cheerleader lesbienne latino ultra fem (qui est méchante pour se protéger des discriminations que les filles comme elle rencontrent)
- Brittany, la pansexuelle naïve (qui n’a jamais fait de coming-out puisqu’elle ne réalise pas que c’est hors norme d’être amoureuse d’une fille)
- Karofsky, le gay refoulé qui tappe sur du pd pour se sentir viril (et qui tentera de se suicider lorsque son homosexualité sera découverte avant de devenir un bear à succès)
- Une ribambelle de twinks avec qui flirtent Kurt et Blaine
- Unique, une jeune fille en transition (que la série a complètement ignorée et mal traitée)
- Coach Beast, une femme hétéro butch qui fera sa transition à la fin de la série (le seul personnage adulte qui n’a jamais déçu)
- Spencer aka “post-modern gay”, quaterback out et viril (qui fait avancer la discussion sur l’appartenance à une “communauté LGBT” fantasmée)
- Myron, le pré-ado gay tyrannique (joué par l’excellente Josie Totah avant sa transition)

Cela ne veut pas dire que tout était parfait en terme de représentation LGBTQ+. La série, écrite majoritairement par des hommes blancs cis gays et hétéros, a traité avec une grande subtilité le personnage de Kurt, ainsi que celui de Blaine même s’il était moins creusé. En revanche, les personnages féminins et racisés étaient légers. Malgré son énergie lesbienne, Santana n’a jamais réussi à convaincre dans son rôle de lesbienne fem et Unique n’a jamais eu que des intrigues liées à son identité de genre. On peut aussi regretter le peu d’affection physique entre les différents couples queers. En même temps, c’était une série diffusée en prime-time sur Fox en 2009… What did you expect? Elle a cependant réussi à montrer que tout le monde avait le droit à l’amour.
Glee était la première série vraiment LGBTQ+ de Ryan Murphy Chéri. Il y testera une stratégie de casting quasi-impeccable : donner des rôles majeurs, aussi bien LGBTQ+ qu’hétéros, à des acteurices LGBTQ+ et réserver les rôles de personnes trans à des trans (sauf dans le cas de Beiste mais je ne pense pas qu’il était prévu que ce personnage soit trans – et je ne suis pas la seule). C’est ainsi que l’hétéro Darren Criss et la mostly-straight Demi Lovato ont joué des musicos gay/lesbienne alors que Jonathan Groff et Kevin Hale, tous deux gays, ont joué des tombeurs de filles, que les lesbiennes Jane Lynch et Dot-Marie Jones ont interprété des femmes butchs hétéro et que Neil Patrick Harris a joué l’hétéro refoulant son amour pour les comédies musicales. A l’inverse, Chris Colfer et Josie Totah (alors JJ Totah) ont joué des garçons gays. Bref, Ryan Murphy et ses acolytes se sont amusés et ont prouvé que les acteur·ices LGBTQ+ pouvaient jouer ce qu’elles, iels et ils souhaitaient.
Finalement, comme je l’ai expliqué dans Les Inrocks, cette série a plutôt bien vieilli. Son ratio défauts/qualités est toujours le même et les thèmes abordés sont toujours autant d’actualité : le rapport au poids, l’hygiène sexuelle, les violences faites aux femmes, l’ambition, la recherche de sa valeur, l’identité de genre, la masculinité toxique etc. A croire que le monde n’a pas beaucoup évolué…
Sortez le pop-corn ? |
? Orange Is The New Black, Netflix
Dans la famille séries-qui-ont-changé-à-jamais-la-représentation-des-LGBTQ-dans-les-séries-et-marqué-le-début-d’une-nouvelle-ère, je demande Orange is the new black. OITNB a été la deuxième série grand public après Glee à avoir eu plusieurs personnages principaux LBT+. Intersectionnelle, féministe, engagée, cette série a montré la beauté des femmes queers, qu’elles soient trans, lesbiennes, bi, hétéro-flexibles, noires, latinas ou blanches, vieilles ou jeunes, butch, fem ou entre les deux. C’est la “série lesbienne” de référence. The L Word, c’est de la gnognotte à côté (don’t @ me). #JusticeForPoussey tout de même.
Bref, le 26 juillet, Netflix a mis en ligne la septième et dernière saison de la série et je ne vous cache pas que j’étais en larme dès le premier épisode. Mais ce n’était pas que parce que j’étais attachée aux personnages. Plus que jamais politique, OITNB dénonce cette saison l’horreur des camps de concentration dans lesquels sont enfermées les personnes sans titre de séjour aux Etats-Unis et témoigne des difficultés auxquelles font face les déténues à leur sortie de prison. Si vous n’aviez pas déjà perdu tout espoir en la race humaine, voici de quoi vous faire sombrer dans les abysses de la misanthropie.
Heureusement, les femmes de Litschfield sont des vainqueuses et sont prêtes à tout pour survivre et s’entraider. S.O.R.O.R.I.T.E. Je ne vais pas vous mentir, la vie de nos détenues préférées est loin d’être aussi joyeuse qu’un mash-up de Glee. La famille Diaz sombre plus que jamais dans le trafic de drogue, Taystee n’a plus le goût à la vie et Piper et Alex ont du mal à faire survivre leur mariage maintenant que Piper est sortie de prison. Mais il y a aussi beaucoup d’espoir dans cette saison et de rire. Et on aura l’occasion de découvrir que Big Boo, Soso et Sophia vont bien donc bon, ça compense.
? Dear White People, Netflix
Winchester est une université fictive prestigieuse, et donc particulièrement blanche. Pour se soutenir et faire valoir leurs droits, des étudiant·es noires se retrouvent dans un bâtiment qui leur est dédié. Puissante et belle, la comédie discute avec brio de racisme, de reproduction des privilèges et du coût du militantisme, tout en dressant un portrait nuancé et touchant de la communauté noire aux Etats-Unis.
Cette série chorale donne la parole à de nombreux personnages complexes. Parmi eux, Lionel, un nerd timide qui ne sait pas comment être gay, et Kelsey, une diva à caniche un poil insupportable qui se révèle être lesbienne. Dans cette saison 3, ces deux personnages sont plus présents que jamais. Lionel va découvrir la scène afro-gay de Winchester (sex parties incluses), se mettre à l’écriture érotique et explorer sa sexualité. Kelsey va se faire draguer par une hétéro – et regretter d’avoir accepté ses avances. D’autres personnages LGBTQ+ et curieux vont avoir le droit à des histoires intéressantes.
Cette saison 3 est encore plus dense et déstabilisante que les précédentes. Elle part dans tous les sens, va à toute vitesse – il faut s’accrocher pour suivre les blagues – et pose des questions complexes. Que faut-il faire quand un héros pose problème ? Faut-il fermer les yeux sur les abus d’un militant au risque de perdre un porte-parole et donner un mauvais nom à sa communauté ? Comme souvent, les questions posées par Dear White People sont propres au contexte du racisme américain mais sauront toucher toute personne appartenant à une minorité. C’est sur Netflix.
L’actu paillettes ✨ |
L’été n’est pas fini. Vous pouvez toujours regarder la très sympa web série française Back to Corsica sur France TV Slash. Un portrait de la jeunesse corse – lesbian drama included. [France Inter]
Why Women Kill, la nouvelle série du créateur de Desperate Housewives, a un personnage bi. C’est une femme qui a demandé à son mari d’ouvrir leur mariage pour coucher avec des femmes… Bonjour les clichés sur la bisexualité… [Glamour]
La super-héroïne lesbienne latina Miss America de Marvel aura le droit à son propre comics. [Pride]
Lil Nas X était incroyable sur le tapis rouge des VMAs. [Closer]
Après avoir annoncé que Valkyrie trouvera sa reine, Marvel vient d’annoncer qu’un des Eternals (la version inclusive des Avengers bientôt au cinéma) sera un papa gay. Croisons les doigts pour que ce soit Icarus, le super-héros joué par Richard Madden, et que ce dernier en profite pour faire son coming-out. [Gizmodo]
Un beau portrait de la réalisatrice Céline Sciamma à trois semaines de la sortie de son très attendu Portrait de la jeune fille en feu. [Le Monde]
Ok, vous avez passé suffisamment de temps devant votre écran, allez parler à des gens ou lire un livre. Just kidding, profitez bien de Netflix !
Aline
