Depuis la publication du numéro de ILT sur l’absence de stars out, beaucoup de choses se sont passées :

  • Marvel a annoncé souhaiter caster un acteur ouvertement gay pour un prochain film (un pas en avant)
  • Paramount Pictures tenterait de censurer une scène de sexe de Rocketman, le biopic sur Elton John (un pas en arrière). Mais finalement ça devrait le faire (un pas en avant). Mais le film sera interdit aux moins de 17 ans (un demi-pas en arrière)
  • Xavier Dolan critique l’injonction à rester dans le placard à Hollywood dans son premier film anglophone, Ma vie avec John F. Donovan (un pas un peu en avant, mais seulement en France puisque le film n’a pas de date de sortie ailleurs).

Cela m’a donné envie de continuer à vous parler du problème d’Hollywood avec les LGBT+. Cette fois-ci, je ne vais pas m’interroger sur le pourquoi du comment (j’ai interviewé Max Donzel sur ce sujet pour Komitid et c’était passionnant) mais plutôt m’intéresser aux conséquences.

Dans Ma vie avec John F. Donovan, Dolan raconte la correspondance épistolaire entre Rupert (Jacob Tremblay), un jeune ado gay précoce, et donc harcelé à l’école, et son idole John F. Donovan (Kit Harington), star dans le placard d’une série fictionnelle calquée sur Roswell. Dans l’univers de Dolan, cette série, qu’on appellera Roswell plus sexy, déchaîne les passions, ses acteurs et actrices sont des stars qui obsèdent autant le public que ceux et celles de Game of Thrones dans notre univers. Ce que je comprends, je suis sûre que si Kit Harington avait joué Max Evans dans notre Roswell (vous entendez le jingle de la Trilogie du Samedi ?), tout le monde m’aurait suivi dans mon obsession pour cette série sur des aliens qui doivent cacher leur vraie nature à leurs camarades de classe.

Information importante : the CW diffuse une nouvelle adaptation de Roswell dans lequel les aliens sont des trentenaires et Michael est bi et amoureux d’Alex. Je me demande si Xavier Dolan suit et s’il stan #Malex. On se fait des recaps d’épisode quand tu veux Xav’ ! ?

Revenons à Jon, euh John. John joue l’hétéro, il fait semblant d’être en relation avec sa meilleure amie, repousse un mec qu’il apprécie vraiment, bref il se prive d’amour. A force de cacher qui il est, il se renferme et se coupe du monde. Comme le suggère le titre original du film – The Death and Life of John F. Donovan – il n’y a pas de happy ending pour John. Mais, il y a un happy ending au film. Comme le note Franck Finance-Madureira dans sa très intéressante critique du film, celui-ci se clôture avec Rupert, désormais adulte et acteur, qui monte sur une moto enlaçant son mec. Il sourit : le salut vient de l’acceptation de soi.

Jusqu’à présent, Xavier Dolan avait toujours refusé de s’engager politiquement, que ce soit à travers ses films ou ses propos. En 2014, il avait été jusqu’à dire que les prix récompensant des réalisateur·rices LGBT le dégoûtaient. Il ne voulait pas être vu comme un réalisateur gay.

Aujourd’hui le réalisateur, trentenaire depuis quelques jours, se mouille. S’il n’est toujours pas un fan de ces prix, ses propos sont désormais plus nuancés, plus matures et plus politiques, comme le prouve cette interview pour Komitid. “Je pense que le film essaie de dire que c’est encore difficile, même aujourd’hui, de vivre sa vie et sa carrière conjointement et avec intégrité, explique-t-il. Parce qu’évidemment, en assumant sa sexualité, est-ce qu’on ne définit pas d’entrée de jeu la carrière qui peut s’offrir à nous ?

Le réalisateur critique l’hypocrisie d’Hollywood où les géants du cinéma veulent s’afficher LGBT friendly mais conseillent à leurs stars homosexuelles de rester dans le placard. “Si Chris Evans s’était présenté au bras d’un homme sur le tapis rouge, aurait-il été choisi pour incarner Captain America ?”, demande-t-il.

Ce film pose plus généralement la question de ce que les stars doivent au public : doivent-elles devenir les personnes que leurs fans, des grandes villes comme des petits patelins, veulent voir ? Est-il possible d’être une star sans dévoiler sa vie privée ? N’est-ce pas le prix à payer ?

A travers le personnage de Rupert, Xavier Dolan rappelle que le public, surtout jeune, a besoin de modèles. Nous nous construisons en nous identifiant à des célébrités et personnages, comme Michael Jackson et Dylan de Beverly Hills. Si niveau Hollywood, les choses n’ont pas beaucoup changé. Il a tout de même des évolutions. Aujourd’hui, les ados peuvent imaginer une vie out et épanouie grâce à des pop stars comme Hayley Kiyoko et Troye Sivan (voir le numéro 2).

Troye Sivan et Xavier Dolan ont un point en commun : ils jouent tous les deux un personnage secondaire dans Boy Erased, un film sur les thérapies de conversion en salle mercredi. Alors que Troye Sivan y joue un jeune bien dans sa peau, Xavier Dolan y joue un gay refoulé qui porte en lui une violence immense. Ce film, émotionnellement violent mais peu convaincant, est très politique. C’est un plaidoyer contre les tentatives de “conversion” des LGBT+, un rappel de la normalité de l’homosexualité.

Car le placard est dangereux. Outre le fictionnel John F. Donovan, de nombreuses stars ont souffert de ce déni d’identité. Ellen Page en a parlé avec brio lors de son discours de coming-out. Cinq ans que je pleure à chaque fois que je le regarde.  

Merci Ellen, merci Xavier, merci Troye pour votre engagement. Vous êtes les modèles dont les ados d’aujourd’hui ont besoin.

Sortez le pop-corn ?

? Now Apocalypse, Starz

Now Apocalypse ne ressemble à aucune autre série. Seul Gregg Araki (Kaboom, Mysterious Skins) aurait pu imaginer une telle série. Ulysses et ses amis Carly et Ford essaient de percer à Hollywood (ce n’est pas une réussite) et de s’éclater sexuellement (de ce côté, pas de problème). Leurs vies bordéliques vont devenir complètement délirantes quand Ulysses commencent à avoir des hallucinations d’aliens reptiliens. Est-ce la weed ou est-ce une conspiration ? Et que fait Severine, la copine de Ford, dans son labo top secret ?

Seuls deux épisodes sont sortis mais Now Apocalypse fait déjà partie de mes obsessions du moment. C’est hyper sexy, psychédélique, totalement queer et vraiment bizarre. Gregg Araki, qui s’approche de la soixantaine, n’a rien perdu de sa capacité à écrire la jeunesse queer. Mais histoire d’être encore plus pertinent, il s’est entouré de Karley Sciortino à l’écriture, une journaliste trentenaire, experte de la sexualité positive. C’est réussi !

? Good Trouble, sur Freeform

Good Trouble suit l’entrée dans le monde du travail de deux soeurs adoptives Callie, une greffière, et Mariana, ingénieure dans une startup. Quand Callie a le temps, elle couche avec Gael, un bisexuel latino très hot. Quand Mariana a le temps, elle lutte contre le sexisme et le racisme qu’elle endure dans sa startup. La série suit aussi leurs colloc. Gael essaie d’être là pour sa soeur victime de discriminations transphobes. Malika est une Afro-américaine qui milite contre le racisme du système policier et judiciaire aux Etats-Unis. Alice souhaite se trouver une nouvelle copine mais c’est sans compter son ex toxique.

Tout cela pourrait donner un goût de checklist à cocher, d’opportunisme social, mais non. Les personnages et les situations sont très bien écrites, la série ne fait que décrire la vie de jeunes d’aujourd’hui, avec leurs bons et leurs mauvais moments. La série est à la fois spécifique et universelle, personnelle et politique, et cela fait du bien.

Ce n’est pas étonnant, Good Trouble est le spin-off de The Fosters, une série inédite en France qui racontait la vie d’une famille homoparentale avec tendresse et réalisme. Les personnages de la série passent une tête dans certains épisodes. J’ai adoré voir Noah Centineo s’incruster à leurs soirées et voir les deux mères se rouler des patins. Pas la peine d’avoir vu The Fosters pour apprécier Good Trouble. En revanche, il est fort possible que vous ayez envie de voir The Fosters après avoir vu Good Trouble.

Bref, c’est le plaisir coupable du moment !

L’actu paillettes ✨

Ok, prenez une grande respiration : les premières photos de la série Tales of the City sont en ligne et c’est ?. On y voit notamment Ellen Page avec Zosia Mamet (Shoshanna de Girls), et Murray Bartlett (Dom de Looking) qui monte les marches de Barbary Lane avec Charlie Barnett (Alan de Poupée Russe). Aussi : plein d’info sur la date de sortie, la pertinence des auteur·rices et la diversité du casting. Je trépigne d’impatience. [Vanity Fair FR]

Une comédie sur des élèves modèles qui veulent faire des conneries avant d’entrer à la fac = ok, pourquoi pas. Une comédie où ces élèves modèles sont une lesbienne et sa pote = HELL YEAH ! Booksmart, un film d’Olivia Wilde. [YouTube]

Out a plein de suggestions d’acteurs et actrices out pour le prochain film de Marvel. J’ai hâte. [Out]

Pendant ce temps, côté séries et côté DC : le très sexy acteur trans muet Chella Man vient de rejoindre la saison 2 de Titans. [Out]

Sam Smith fait son coming-out gender fluid. [Tetu]

C’est le point CMBYN (Call Me By Your Name pour les élèves du fond) : Armie Hammer pense que ce serait blasphème de faire une suite au film ; André Aciman en dit plus sur l’intrigue de la suite du livre qui a inspiré le film. [Vulture / Out]

J.K. Rowling a décrété qu’il y avait une “dimension sexuelle” à la relation entre Dumbledore et Grindelwald. Les journalistes ont pris la nouvelle avec humour. Out s’est posé des questions très importantes sur la sexualité entre magicians (quel sort pour obtenir du lub magique ?). Komitid en a profité pour ressortir un excellent article dans lequel Olga Volfson explique le queerbaiting à grand renfort de jeux de mots magiques. Mon mood : ? [Komitid / Out]

L’icône : Barbara Hammer ?

Barbara Hammer est décédée le 16 mars à l’âge de 79 ans. Barbara Hammer était une pionnière du cinéma lesbien. Elle faisait du cinéma expérimental, des films qui montraient la sexualité lesbienne. Je n’en n’avais jamais entendu parler avant, ce qui fait de moi soit une mauvaise cinéphile, soit une mauvaise queer. Probablement les deux. A défaut d’avoir vu ses films (que j’imagine difficiles à trouver sur internet), j’ai lu cette interview qu’elle a donné au New Yorker quand elle savait ses jours comptés. Sa vie est fascinante, son travail important. C’est à lire ici

Le quart d’heure musical ?

Les dernières nouveautés 100% queers, avec Sugar Pills, un groupe de Français·es de 18-19 ans qui chante la jeunesse queer et Kailee Morgue, chanteuse queer dont la musique est plus pop que son nom. A retrouver sur Spotify et Deezer.


Vous avez perdu tout respect pour moi maintenant que j’ai dit avoir aimé John F. Donovan ? Venez m’en parler par email ou sur @ilikethat_NL.

Bye bye,

Aline