Cette semaine dans la super série Good Trouble (lire la critique), tristement indisponible en France, Alice était en interaction avec deux personnes utilisant le pronom “they” au singulier et c’était magnifique à voir. 

Le “they singulier” a fait son apparition au moyen-âge pour décrire une personne dont on ne connaissait pas le genre. Aujourd’hui, il est utilisé par les adeptes d’un langage inclusif pour désigner une personne indéterminée et par certaines personnes non-binaires (qui ne se sentent ni hommes ni femmes) pour se décrire (plutôt que “she” ou “he”). Quand on n’y est pas habitué·e, cela peut surprendre, mais on prend très vite le pli. La clé, c’est la répétition. Plus on l’entend utilisé pour décrire une personne non-binaire, plus il est aisé de l’utiliser dans sa vie de tous les jours.

D’habitude, dans les séries, quand le sujet du pronom “they” est utilisé au singulier, c’est parce que des personnages s’en plaignent. Blabla, les jeunes ne savent plus quoi inventer, qu’est-ce qui ne va pas avec “elle” ou “il”, c’est la tyrannie du politiquement correct, c’est n’importe quoi ?. C’est tout l’opposé dans la série queer-friendly Good Trouble.

Quand la “petite-amie” d’Alice, Joey, lui annonce s’identifier comme non-binaire et vouloir être désigné·e par “they”, Alice est un peu décontenancée. Elle découvre vite que changer la façon dont on parle de quelqu’un n’est pas si facile. Elle doit prendre l’habitude de dire “they” pour désigner Joey et revoir son vocabulaire. Joey n’est plus sa “girlfriend”, mais sa “partner” – ça fait tout de suite très sérieux.

Le “they” singulier se traduit assez facilement par “iel” en français. Mais, notre belle langue, fierté de notre grande nation, signe de notre finesse d’esprit, preuve de notre prestige à l’étranger, étant ce qu’elle est, il est difficile de parler au neutre de façon cohérente. Tentez donc de dire “elle est belle” ou “il est méchant” en neutre… Heureusement, j’ai trouvé la solution : le franglais. Ainsi, vous obtiendrez “iel est hot” et “iel est evil”. Ne me remerciez pas.

Elena, une adolescente lesbienne, a connu le même défi dans la série familiale One day at a time (lire la critique). Dans cette excellente série, diffusée sur Netflix, Elena et sa/son partenaire, Syd, passent tout un épisode à choisir le meilleur terme pour se décrire. Oust le “girlfriend” pour décrire Syd, Elena utilisera désormais “Syd-nificant other”. Les auteurices de la série ont pris le temps hors écran de réfléchir aux mots que ces personnages utiliseraient. Elena se considère toujours lesbienne et dit “aimer les filles”, Syd se qualifie aussi bien de “queer” que de “lesbienne” ou “gay” (qui a un sens plus neutre en anglais qu’en français). C’est à lire dans cet intéressant article de Into.

Dans ces séries, la validité de la non-binarité n’est pas questionnée. La mère et la grand-mère d’Elena acceptent le pronom de Syd sans faire de blagues irrespectueuses ou se plaindre du politiquement correct. Car, oui, une série n’est pas obligée d’avoir un ou une connasse parmi ses personnages, ce n’est pas un plateau de BFM TV.

Ce qui est intéressant dans les deux derniers épisodes de Good Trouble, c’est que l’on voit que la non-binarité nécessite de la part de tout le monde, même des lesbiennes, une réflexion sur la façon dont nous pensons le genre et dont nous parlons. En anglais, et encore plus en français, le genre est partout. Pour créer une société qui dépasse la binarité, qui déconstruit les stéréotypes et injonctions et accepte la fluidité et la neutralité, nous devons repenser notre façon de penser.

Syd et Joey ne sont pas les premiers personnages non-binaires à l’écran. Avant iels, il y avait Taylor Mason, un génie des maths dans la série dramatique Billions, qui mêle politique, finance et testostérone (une très bonne série si j’en crois celleux qui apprécient le genre). On est très loin, donc, des comédies pop et progressistes qui accueillent habituellement les personnages LGBTQ+ aux identités et orientations méconnues ou invisibilisées. Pourtant, dans cette série sérieuse qu’est Billions, Taylor Mason est un personnage de premier plan. C’est assez incroyable de se dire que le public qui regarde cette série (sur MyCanal en France) a pu découvrir la non-binarité dans un contexte si bienveillant et a été amené à réfléchir à l’importance du genre. 

Son interprète Asia Kate Dillon (aussi connue comme la néo-nazie-d’Orange-is-the-New-Black) a été invitée sur de nombreux plateaux pour parler de son personnage. Iel a non seulement pu expliquer aux millions de téléspectateurices qui regardent Ellen ou Seth Meyers ce qu’était la non-binarité mais aussi se sentir plus à l’aise avec sa propre identité. Après la décision de son personnage d’utiliser le pronom “they”, Asia Kate Dillon a compris que ce pronom était aussi le sien, qu’iel était légitime en tant que non-binaire. Je vous laisse l’écouter parler de son parcours dans cette vidéo (en plus c’est Adam Rippon qui l’interviewe).

Bref, ces séries (liste non-exhaustive) prouvent que le monde sériel peut jouer un rôle d’allié, qu’il peut permettre d’éduquer le grand public à des thèmes LGBTQ+ “de niche” et étendre la réflexion sur l’hétéronormativité de notre société et son obsession pour le genre au grand public. ???

L’âne : Scarlett Johansson ?

Je ne pensais pas que j’aurais encore l’occasion de vous parler de l’âne absolu qu’est Scarlett Johansson et pourtant… L’actrice s’acharne à ne pas comprendre les dynamiques de pouvoir dans notre société et les discriminations dont sont victimes les groupes minorisés.

Flashback. En 2017, Scarlett Johanconne est accusée de whitewashing suite à son interprétation de la cyborg japonaise Motoko Kusanagi dans l’adaptation ciné de Ghost in the shell. L’année suivante, elle accepte le rôle d’un homme transgenre dans Rub & Tug. De très nombreuses voix s’élève : ce rôle devrait aller à un homme trans ! La levée de boucliers est telle que l’actrice abandonne le projet (depuis le film semble être au point mort). Au lieu d’apprendre et de lâcher l’affaire, Scarlett Johanconne, du haut de son privilège de nana blonde hétéro cis, en rajoute une couche. Elle explique au magazine As If qu’elle pense qu’elle devrait pouvoir jouer “n’importe quelle personne, ou arbre, ou animal”. Oui, oui, elle a bien comparé, indirectement, la vie des personnes trans à la vie des arbres.

Ce que ça prouve, c’est que Johanconne n’a pas du tout écouté ce que lui disaient ces satané·es “social justice warriors” qui lui demandaient d’arrêter d’interpréter des rôles de personnes minorisées. Je ne doute pas qu’elle puisse jouer une personne trans, ce ne sera peut-être pas la meilleure dans ce rôle mais pourquoi pas. Le problème, c’est qu’en prenant ce rôle, elle contribue à propager l’idée qu’un homme trans n’est qu’une femme grimée en homme. Tout aussi problématique, elle prend la place des nombreux acteurs trans à qui on refuse de donner des rôles d’hommes cis et qui ne peuvent donc jouer que des personnages trans. Il n’y en a pas des masses de qualité alors si en plus ils vont tous à des célébrités cis…

The Guardian a proposé à Scarlett Johanconne une sélection de rôles d’arbre. On espère qu’elle va les prendre et arrêter de parler pour un petit moment.

L’actu paillettes ✨

Schitt’s Creek obtient enfin une nomination aux Emmys ! BoJack Horseman et Big Mouth aussi. Billy Porter va gagner l’Emmy du meilleur acteur dans une série dramatique. Et plein d’autres bonnes nouvelles. [Out

Ryan O’Connell, créateur et acteur de la série Special, est ravi qu’une série comme la sienne soit nommée : « I wanted to tell people something that was never told to me: “Your life is important and worth being explored. Your body is hot and worth having sex with. Your existence is not fringe or strange.” » [Out]

She’s gotta have it, la série de Spike Lee sur les aventures (majoritairement amoureuses) d’une femme noire pansexuelle et poly a été annulé. C’était une série plaisante mais pas toujours bien menée. [AV Club]

Nom de nom ! Une série de télé française sur la vie de famille, Parents mode d’emploi, va mettre en scène une famille homoparentale. Je me frotte toujours les yeux tellement je n’y crois pas. [Allociné

Ricky Martin s’est rendu à Porto Rico pour demander la démission d’un gouvernement homophobe, sexiste et corrompu. Nuestro heroe. [Out]

Abandon des poursuites pour agression sexuelle contre Kevin Spacey dans le Massachusetts, mais d’autres sont à venir. [Têtu]

Le quart d’heure musical ?

C’est la semaine des sorties de “qulips” (pour “clips queers” – oui, je suis une pro en néologismes). La star US Charli XCX a sorti une vidéo pseudo BDSM pour son duo “Gone” avec Chris. Lesbian Jesus a dévoilé son clip pour sa nouvelle chanson “I wish”, ambiance sorcellerie preppy lesbienne à la The Craft. Et Sam Smith a prouvé qu’il savait danser (et faire danser) avec “How Do You Sleep ?”. A retrouver sur Spotify et Deezer.

Baby Florence de Blood Orange, D.R.E.A.M? de Miley Cyrus, Wet - Drippin' de Lala &ce, Desafio de Arca, Outside de George Michael


Sur ce, la nouvelle saison de Veronica Mars vient d’être mise en ligne. Je m’en vais me régaler de cette suite inattendue dont je ne vous parlerai jamais parce que les personnes sont tous hétéros (emoji triste). Vive Veronica Mars !

Love,

Aline