Cette semaine, Mathilde Loire, journaliste indépendante, aka @MathildeLre sur Twitter, a revêtu une cape digne de Lena Waithe pour nous parler comics.


Experte en arts martiaux, détective hors-pair, elle parcourt la ville la nuit, costumée en chauve-souris à la flamboyante perruque rousse, pour combattre les gangsters et les super-vilain·es.

Na na na na na na na na na na na na na na na na… Batwoman !

Batwoman, super-héroïne ouvertement lesbienne, aura droit à sa propre série télé d’ici la fin de l’année. On ne sait pas grand-chose de la future série mais l’annonce du projet et le choix de l’actrice out Ruby Rose pour l’incarner ont fait grand bruit. Il faut dire qu’adapter la série de comics Batwoman en particulier n’est pas anodin.

Remontons en 2006, une époque à laquelle les quelques personnages LGBT+ de Marvel et DC Comics, les grandes maisons d’édition de comics américains, restaient secondaires et connaissaient régulièrement des fins tragiques. Dans une volonté affirmée de faire place à plus de diversité, DC Comics annonce le lancement d’un reboot de Batwoman, avec une identité « moderne » : Kate Kane, de son vrai nom, est juive et lesbienne.

C’est la première fois qu’un héros ou une héroïne de premier plan, avec une série solo à son nom, est ouvertement non-hétéroe. Son homosexualité est même au cœur de son origin story : après avoir été renvoyée de l’armée car lesbienne, Kate décide d’agir en tant que justicière costumée.

Ironie de l’histoire, la première Batwoman, Kathy Kane, avait été introduite en 1956 comme love interest de Batman pour faire taire les rumeurs de relation homosexuelle avec son jeune sidekick Robin.

En effet, dans les années 1950, les conservateurs américains s’inquiétaient de l’influence néfaste que les comics pouvaient avoir sur les jeunes lecteurs et lectrices. A partir de 1954, la Comics Code Authority (CCA), organisation de « régulation » des contenus des comics, interdit toute représentation de sexualité, convaincue par le livre Seduction of the Innocent (1954) dans lequel le psychiatre Frederic Wertham affirmait que « les histoires de Batman étaient psychologiquement homosexuelles » et que, de manière générale, les comics étaient à l’origine de la délinquance juvénile. Rien que ça.

Ainsi, malgré les costumes multicolores, les combinaisons en cuir, les bromances, les placards métaphoriques, une esthétique camp et des sous-textes et allusions, les personnages de DC et Marvel demeurent officiellement cisgenres et hétéros jusqu’à la fin des années 1980.

Petit à petit, le CCA perd de son influence, le militantisme LGBT+ porte ses fruits et les auteurs et autrices peuvent enfin dire les choses plus ouvertement. Le VIH est évoqué pour la première fois en 1988, dans la série The New Guardians, où le super-vilain Hémo-Globin (!) transmet le virus à trois super-héros. Au même moment, la série Hellblazer évoque les violences homophobes. Quatre ans plus tard, elle officialise la bisexualité de son héros, le sorcier John Constantine, avec ce petit monologue magique :

La même année, Marvel autorise Véga (Northstar en VO), héros de l’équipe canadienne Division Alpha, à faire son coming-out, presque dix ans après que son scénariste John Byrne ai sous-entendu son homosexualité. Nous sommes alors en 1992.

Je suis née l’année suivante. Et je crois pouvoir dire que j’ai eu de la chance. Quand je me suis passionnée pour le genre et que je cherchais des modèles, d’abord, féminins puis queers, les maisons d’édition commençaient à prendre conscience de l’importance de la représentation et à donner vie à des personnages LGBT+, certains créés pour l’occasion, la plupart réécrits, tandis que des personnages établis faisaient leur coming-out.

Ainsi, ces dernières années, le X-Man Iceberg est sorti du placard, Harley Quinn a quitté le Joker pour une relation non-monogame avec Poison Ivy, Wiccan et Hulkling des Jeunes Avengers sont heureux en couple et font partie de l’équipe de super-héro·ines la plus queer, Véga s’est enfin marié, et Deadpool est toujours joyeusement pansexuel (et les films qui portent son nom l’ont presque assumé clairement).

Catwoman, Valkyrie, John Constantine, Midnighter, Mister Terrific, Thunder et Grace Choi, Red Sonja, Miss America, Renee Montoya, Psylocke, Alan Scott, Comet, Shining Light… La liste de personnage de comics LGBTQ s’allonge de plus en plus. Mais il est fort probable que ces noms vous soient inconnus.

Quand des personnages de premier plan sont confirmés « membres du lobby », ils le sont surtout hors-champ. Ainsi, si Wonder Woman a été établie comme bie par un de ses auteurs majeurs en 2016, elle n’a encore eu aucune relation avec une femme dans ses aventures. Tandis que la seule « preuve » de la bisexualité de Catwoman est une case du numéro 39 de sa série éponyme où on la voit embrasser une femme. Les auteurs et autrices supportent de plus en plus mal cette frilosité. Le refus de DC Comics de laisser Kate Kane se marier avec sa petite-amie de longue date, Maggie Sawyer, a provoqué le départ des auteurs de la série, J.H. Williams III et Haden Blackman, en 2013.

Etrangement, les adaptations télé des comics DC et Marvel sont plus courageuses. Nous reviendrons dessus dans un prochain numéro.

Il faut plutôt se tourner vers les maisons d’édition indépendantes pour trouver des personnages LGBT+ bien écrits et dans des arcs narratifs de qualité. Des séries formidables comme The Wicked + The Divine, le space-opera fantastique Saga, l’épopée temporelle The Infinite Loop, l’œuvre critique Black Hammer, la saga de science-fiction 80s Paper Girls ou la série pour enfants Lumberjanes sont de grands succès. Lesbiennes, gays, bi·es, trans, intersexes, non-binaires, racisé·es, avec ou sans pouvoir ont des premiers rôles et avec des histoires qui tiennent la route. Enfin.

Je vous laisse avec les Jeunes Avengers :

Sortez le pop-corn ?

 Ce n’est pas tout ! Mathilde a aussi quelques recommandations :

? The Wicked + The Divine, de Kieron Gillen, Jamie McKelvie et Matt Wilson

The Wicked + The Divine est une fable fantastique qui suit Laura, une jeune fille de 17 ans qui se retrouve plongée au milieu du « Panthéon », un groupe de douze divinités issues de différentes mythologies. Une fois par siècle, elles et ils se réincarnent en jeunes humains, des rock stars charismatiques qui soulèvent des foules immenses en concert, conventions et autres rassemblement mystiques. On les dit capables de miracle. Elles et ils sont adorés, détestés. Dans deux ans, elles et ils seront tous morts.

Sur fond de musique pop, The Wicked + The Divine questionne notre rapport à la gloire et à l’art. C’est aussi une série extrêmement queer. La sexualité et l’identité de genre de ses personnages, dont beaucoup sont racisés, sont abordées de manière réaliste et naturelle. Un projet de série adapté de “WicDiv” est en cours de développement. On a hâte.

Disponible chez Images Comics en VO et Glénat Comics en VF

? Queer Comics Database

Le site anglophone très complet Queer Comics Database recense les bande-dessinées, comics, mangas et romans graphiques avec des mentions queers et permet de réaliser une recherche par genre, par type de représentation ou par créateur·ices. Parfait pour découvrir des titres indépendants.

Côté francophone, Themiscyra est une base de données dédiée aux héroïnes de comics, en solo ou en équipe. On y trouve une sélection de comics mettant en scène des héroïnes lesbiennes, bies et/ou trans.

Un grand merci à Mathlide pour sa participation. Et retour à la programmation habituelle.

L’actu paillettes ✨

The Atlantic sort une enquête édifiante sur le réalisateur Bryan Singer (X-Men, Usual Suspects, Bohemian Rhapsody). Encore un exemple déprimant de “tout le monde était au courant”. Lui dit que c’est de l’homophobie – ahem. Il garde, sans surprise, son boulot sur le prochain Red Sonja. [The Atlantic/Out/The Atlantic]

Le musée LGBTQ de Berlin accueille sa première expo sur les jeux vidéo. [Glamour]

Le trailer de Now Apocalypse, la première série de Gregg fucking Araki (Kaboom, Mysterious Skin), est sorti et c’est . [Out]

Mackenzie Davis (San Junipero, Halt and Catch Fire), aka l’hétéro la plus lesbo-sexy, devrait jouer l’amoureuse de Kristen Stewart dans sa comédie romantique « Happiest Season ». [Variety]

La série grand public Blindspot a ajouté l’actrice trans Jen Richards a son casting. Et elle jouera un personnage cisgenre !!! [Advocate]

Les nominations sont tombées. Les Oscars sont plus queers que jamais. Et pendant ce temps en France, Plaire, Aimer et Courir Vite n’est nommé que pour le César du meilleur acteur dans un second rôle pour Denis Podalydès. [Time/Komitid]

Heureusement, il y a les GLAAD Awards pour célébrer les médias (films, séries, articles, bd, etc) LGBT-friendly. Garantie sans Green Book et Bohemian Rhapsody. [Variety/Variety]

Ncuti Gatwa, qui joue Eric dans Sex Education, ne veut pas jouer le meilleur ami gay. Moi je veux bien que ce soit mon meilleur ami. [Vulture]

Le crush unicorn : Amandla Stenberg ?

Révélée par Hunger Games, Amandla Stenberg est l’héroïne de The Hate U Give, qui est sorti mercredi et que j’ai très hâte de voir. Difficile de croire que c’est là son premier grand rôle tant l’actrice de 22 ans a fait parler d’elle ces dernières années.

On la retrouve aussi bien dans les rubriques people – elle sort avec King Princess et est ultra stylée cf cette robe décolletée portée avec des aisselles au naturel – que dans les rubriques société. L’actrice est en effet connue pour son militantisme très Gen Z. Elle s’exprime régulièrement, et avec courage, sur le racisme et le colorisme aux Etats-Unis et applique ses convictions à sa carrière. En tant que métisse, elle a ainsi refusé de jouer dans Black Panther pour laisser la place à une actrice africaine.

Et comme si elle n’était pas suffisamment parfaite, Amandla Stenberg a co-écrit Niobe une série de comics fantastiques qui met en scène une femme noire.

Le quart d’heure musical ?

De la musique à écouter en lisant. A retrouver sur Spotify et Deezer !


Sur ce, j’espère que vous trouverez tous les comics que vous rêvez de lire à la bibliothèque.

Xoxo, Aline