Je n’accorde que très peu d’importance aux Oscars, qui ont à peu près autant de pertinence qu’une polémique sur le hijab Decathlon. Mais il faut bien leur reconnaître quelque chose : ils en disent long sur le fonctionnement d’Hollywood. Alors, miroir, mon beau miroir, à quoi faut-il ressembler pour être une star ?
Cette année, comme chaque année, les quatre lauréats et lauréates dans la catégorie acteur·rice étaient hétéros (et cis, mais c’est un autre sujet que je ne traiterai pas aujourd’hui). Les nommé·es aussi, d’ailleurs. Si si, je vous le jure, j’ai fait le compte pour les années 2004 à 2019 dans ce Google Doc. Seules deux actrices queers, Jodie Foster et Ellen Page, ont été nommées ou lauréates ces 15 dernières années mais elles l’ont été avant leur coming-out… Alors, faut-il y voir une tendance ?
Ce qui est particulièrement enrageant, c’est que les acteurs et actrices hétéros gagnent des trophées en jouant les queers, comme trois de nos lauréats de cette année : Rami Malek, Mahershala Ali et Olivia Colman. Notre discrimination est un bon sujet de drame, notre volonté de nous battre un bon sujet de biopic, mais nos acteurs et actrices, en revanche, sont priées de rester à leur place : loin des grands rôles.
Fut un temps, caster des personnes hétéros était la seule façon de raconter nos histoires puisque très peu de personnes osaient être out, que ce soit dans le monde du cinéma, de la télé ou de la science. Gros bisous à Tom Hanks pour son rôle dans Philadelphia, d’ailleurs. Mais aujourd’hui ?!
Nous avons un PDG de GAFAM gay, des premier·es ministres LGB, des pasteurs queers et j’en passe, mais nous n’avons aucune vedette de cinéma out. Est-ce parce qu’aucun acteur ou actrices LGB ne sait jouer ? Qu’aucune personne LGB ne veut devenir une star ? Je pense que la réalité est ailleurs.
Les pro du cinéma rétorquent qu’il faut des acteurs et actrices connues pour obtenir du financement et attirer du monde en salle et que les personnes LGB ne sont pas connues. C’est vrai mais l’argument ne tient pas.
Il y a des acteurs et actrices out connues. Mais étrangement on ne les voit plus jouer de “grands rôles” après leur coming-out. C’était quand la dernière fois que vous avez vu Kristen Stewart, Ellen Page ou Jodie Foster dans une production qui n’était pas un film indé ou une série sur des misfits ?
Vous me direz, peut-être qu’elles n’ont plus envie de jouer dans des blockbusters qui rapportent plein d’argent, qu’elles préfèrent des rôles plus “authentiques” ? Peut-être. Je serais mal placée pour nier cette possibilité en tant que journaliste fauchée parce qu’elle veut écrire ces articles avec un regard LGBT.
Mais tous les films qui obtiennent de la reconnaissance ne sont pas des blockbusters. Il y a aussi des Roma, des Beale Street et des La Favorite. Pourquoi les stars out n’ont-elles pas accès à ces rôles ? Et surtout aux rôles de personnages queers ?
Dans tous les cas, le vrai problème est qu’Hollywood manque de stars out. Les acteurs et actrices de talent ne manquent pas – salut Denis O’Hare, Matt Bomer, Zachary Quinto, Lily Tomlin, Holland Taylor… – mais leur carrière ne semble jamais exploser.
Tandis que les hétéros ramassent trophées et chèques en racontant nos histoires, les acteurs et actrices out sont contraint·es de choisir entre placard et réussite professionnelle, entre vie perso et vie pro.
Franchement, il est difficile de nier la discrimination. Et pourtant, les acteurs hétéros qui jouent des gays ne semblent pas l’avoir compris. Ils n’ont de cesse de répéter qu’ils ont le droit de jouer des personnages queers – on est d’accord – mais ne semblent pas avoir capish qu’en faisant ainsi ils privent les acteurs et actrices queers de l’opportunité de jouer ces rôles.
Et pour ajouter l’affront à l’insulte, les acteurs qui se font de l’argent sur nos histoires ne semblent pas vraiment LGB-friendly. Ils nous tolèrent oui, mais pour ce qui est de nous considérer comme leurs égales et égaux et de comprendre nos vies et notre message… On a Rami Malek qui, après tant de temps dans la peau du chanteur de Queen, pense que Freddy est “gay” (la réponse correcte était : bisexuel). Pire, on a Matt Smith, l’interprète du photographe Robert Mapplethorpe dans le prochain biopic éponyme (apparemment timide et ennuyeux) qui pense qu’être gay, c’est comme être toxico…
La comparaison de la mort par Matt Smith : « Si on applique cette logique, on peut dire : ‘Ok, j’ai ce rôle, où le personnage est accro à l’héroïne.’ Est-ce que cela voudrait dire que l’on auditionnerait seulement héroïnomanes ? » |
Mais finissons sur une note positive ! Oui, nous n’avons pas de super stars LGB mais nous avons une ribambelle d’acteurs et actrices out qui connaissent une belle carrière dans le monde des séries !
Elles et ils y jouent souvent des personnages queers auxquels iels donnent un fantastique réalisme et de la nuance. Mes yeux sont bien sûr rivés sur l’équipe de Pose. Certain·es réussissent même à sortir de leur case queer pour jouer des hétéros. Je vous recommande d’ailleurs Black Monday dans lequel Andrew Rannells (Girls) excelle dans le rôle de l’hétéro de Wall Street.
Certains showrunneurs et productrices font un effort particulier pour permettre à des acteurs et actrices queers inconnues de se faire un nom. Mon idole Ryan Murphy a développé une super stratégie : quand il recrute des acteurs pour un couple gay, il recrute quasiment systématiquement un acteur hétéro connu et un acteur gay moins connu. ???
A relire : l’importance de The Normal Heart et The Assassination of Gianni Versace par Ryan Murphy
D’autres décident d’intégrer le coming-out de leurs acteurs et actrices à leur série. C’est le cas de Dan Goor qui a proposé à Stephanie Beatriz que son personnage Rosa dans Brooklyn Nine Nine fasse son coming-out après qu’elle ai annoncé être bisexuelle. D’ailleurs, hip hip hourra : B99 est renouvelé pour une septième saison !
Le changement vient aussi des acteurs et actrices de la Gen Z à qui il ne viendrait pas à l’esprit de cacher leur vérité. They’re here, they’re queer, get used to it!
Sortez le pop-corn ? |
? The Other Two, Comedy Central
C’est l’histoire de deux trentenaires, un frère, wannabe acteur, et une soeur, ancienne danseuse, dont le frère ado devient le nouveau Justin Bieber du jour au lendemain. Et c’est peu dire qu’elle et il ne le vivent pas bien. Le créateur et la créatrice (ancien·nes du SNL) se sont inspiré·es de leur vie pour écrire cette série et ça se sent. On kiffe particulièrement le grand frère gay qui est amoureux de son coloc hétéro et essaie de trouver sa place en tant qu’acteur queer.
? Skam, NRK ou Slash
Qui aurait pû croire qu’une série norvégienne changerait la vie de milliers d’ados dans le monde ? A sa sortie en 2014, la série Skam a cartonné en Scandinavie. La série était si inclusive, réaliste, moderne et envoutante que, rapidement, une armée de fans a commencé à sous-titrer la série et à la distribuer au reste du monde sur Google Drive (vous m’avez bien lu : Google Drive !), certain·es ont même appris le norvégien. C’est à lire ici.
Puis, la série est passée de kiff confidentiel à phénomène planétaire lors de la diffusion de la saison 3. Cette saison suit le coming-out et la première histoire d’amour d’Isak, un de ses personnages gays. Elle aborde des sujets comme l’homosexualité dans la religion ou le rôle des folles dans l’obtention de nos droits. Cette saison est magnifique, belle, émouvante, réaliste, importante, tellement que je l’ai vu trois ou quatre fois. #NoShame
De nombreux pays ont adapté cette série de façon très fidèle – les scènes sont parfois pratiquements identiques. France TV diffuse en ce moment la saison 3 de la version française sur sa chaîne web Slash et je suis toute émue par les messages de remerciement des ados queers que la chaîne reçoit.
J’ai vu les deux et je vous recommande très vivement la version originale, ne serait-ce que parce que les acteurs et actrices ont l’âge de leur personnage et jouent excellemment bien et que c’est tellement bien écrit (il parait qu’elle est sur Dailymotion…). Sinon, la version française est sur Slash.
L’actu paillettes ✨ |
La maison de production de Dix Pour Cent développe une série sur un club lesbien parisien dans les années 90. On tient notre The L Word français et il s’appellera Purple ! [Variety]
Les scénaristes adorent blaguer sur le risque de viol en prison. Mais pourquoi est-ce “si drôle” ? Réponse rapide : parce que sexisme et homophobie. Réponse longue : [Pop Culture Detective]
Luca Guadagnino (Call Me By Your Name) prépare une série pour HBO sur deux adolescents qui tombent amoureux en Italie ! ? [Observer]
La série à succès de TF1, Demain nous appartient, vient d’introduire un personnage trans. Et devinez quoi ? L’actrice est cisgenre :/ Rachel Garrat-Valcarcel fait le point sur cette vilaine habitude française qui pourrit le ciné et les séries françaises. [L’Express]
Netflix vient de dévoiler la bande-annonce de Osmosis, sa prochaine création originale française. Surprise : ça a l’air bien. Et il y a un personnage queer ! [@NetflixFR]
Petite histoire de la perruque, des drag queens à Bilal Hassani. [Cheek]
Nakhane est parfait. Dans cette interview, le musicien/acteur sud-africain parle de sa relation à la religion, sa fatigue face à l’éloge de “l’authenticité” (= l’homme blanc barbu en chemise de bûcheron) et ses réserves sur la révolution arc-en-ciel que nous vivons (où est le sexe ?) [Them]
Le crush : Billy Porter ? |

Inédit ! Cette année, la tenue des Oscars qui a le plus fait parler d’elle était celle d’un homme. Whaaat ? Je parle bien sûr de la magnifique robe robe-smoking de Billy Porter.
Il y a encore un an, Billy Porter n’était connu que des fans de Broadway. Et puis, il a rejoint l’incroyable et révolutionnaire série Pose où il joue l’émouvant Pray Tell, un quadragénaire gay dans un New York gangrené par le Sida.
Sur les tapis rouges, Billy Porter a toujours porté ce qui lui chantait, mais cette année, il est passé à la vitesse supérieure. Aux Golden Globes, il a porté une cape décorée de fleurs et doublée de soie rose et le public l’a encensé, il a gagné en confiance et a osé aller encore plus loin. Avec sa robe-smoking, il est définitivement entré dans l’histoire des Oscars. (Les photos de ces meilleures tenues sont ici)
Comment Billy Porter en est-il arrivé à changer le game de la mode masculine ? Il raconte sa robe-smoking, son amour pour la mode et son rapport à la masculinité dans ce super article de Vogue.
Le quart d’heure musical ? |
Une sélection 100% classiques queers. A retrouver sur Spotify et Deezer.
Okay, baïïïïïïïïïïïïïïï,
Aline