J’entends souvent dire qu’il n’y a plus de problèmes de représentation des personnes LGBT+ dans la pop culture puisque que toutes les séries ont désormais leur personnage lesbien, bi ou gay. C’est bien évidemment faux.

Déjà, ce qui est vrai dans les séries n’est pas vrai dans toutes les productions culturelles. Les oeuvres grand-public n’ont bien souvent aucun personnage LGBT+, tout du moins out. On pense aux films et dessins animés Disney, aux super-héros sur grand écran et aux programmes pour enfants par exemple.

Ces personnages, leur relation à leur orientation ou identité de genre, et la représentation de leur vie amoureuse et sexuelle sont souvent problématiques, même si cela ne semble pas évident aux personnes cis hétéroes. La semaine dernière, j’expliquais par exemple que Bohemian Rhapsody et Green Book donnaient l’impression que les gays avaient honte de leur orientation. On peut aussi noter, le manque de diversité de ces personnages – où sont les femmes butchs, les hommes bears, etc ? Cette semaine, je lisais ce très bon article selon lequel l’absence de scènes de sexe homo dans les films grand public empêche de montrer la réalité des personnes queer et la joie de nos vies.

Enfin, la présence de personnages LGBT+ n’est que moyennement utile d’un point de vue de la représentativité si elle ne permet pas de montrer la réalité des personnes LGBT+. Les séries, films, etc ne doivent pas ignorer qu’il existe des cultures gays, lesbiennes et trans, que les dynamiques de couple sont différentes, que les rapports sexuels queers ne ressemblent pas à ceux des hétéro, que l’histoire des LGBT+ impacte la communauté actuelle, que les discriminations persistent, and so on.

Il ne s’agit pas juste d’être visibles dans les médias, il s’agit d’être visibles tel·les que nous sommes, il s’agit d’être représenté·es avec justesse et justice, il s’agit de permettre aux hétéro de nous comprendre.

C’est exactement ce que Ryan Murphy (Nip/Tuck, Glee, Pose, American Horror Story) a fait avec sa série American Crime Story. Chaque saison de cette anthologie propose une reconstitution probable d’un crime qui fut hautement médiatisé. La saison 1 s’intéressait aux meurtres commis par O.J. Simpson, la saison 2 à l’assassinat de Gianni Versace en juillet 1997, ou plutôt à la personnalité de son meurtrier, le beau et brillant gigolo Andrew Cunanan, auteur de cinq meurtres en trois mois.

Cette saison fait l’effet d’un cheval de Troie. Sous couvert de série criminelle, la série parvient à tirer le portrait de la communauté gay des années 90, de son invisibilité aux yeux de la société et de la police, de sa souffrance, de son courage, de son émancipation et de ses victoires. Le public n’était pas venu pour ça, il se couchera plus intelligent.

Ryan Murphy nous présente différents hommes que Cunanan a rencontré : un septuagénaire marié qui vit mal son attirance pour les hommes, un sugar daddy qui ne se fait pas d’illusions, un gay dans la navy qui se demande ce qu’il vaut mais aussi un beau vingtenaire out à qui la vie sourit et un couple qui s’aime depuis 15 ans (et qui continue de faire la fête et de coucher avec des inconnus).

A travers ses personnages, Ryan Murphy nous montre aussi la réalité de l’époque. Il pointe du doigt l’inaction de la police au début des meurtres – car les gays sont des victimes de seconde classe -, expose la violence de la politique “Don’t ask, don’t tell” dans l’armée américaine, aborde la honte du sida et les réactions des personnes surprises d’y avoir survécu suite aux premiers traitements efficaces, et applaudit le courage des hommes qui ont décidé de parler de leur réalité. I-C-O-N-E-S  Q-U-E-E-R-S !

Le premier épisode de cette saison 2 a été vu légalement par 5,5 millions de personnes le jour de sa diffusion. Imaginez le nombre de personnes qui vont découvrir cette partie de l’histoire LGBT+ maintenant que la série est disponible sur Netflix.

A Very English Scandal, dont je vous avais parlé la semaine dernière, est assez similaire. Cette série grand public (Hugh Grant en est l’acteur principal) met en scène l’histoire vraie d’un parlementaire anglais qui veut se débarrasser de son amant. A travers cette histoire, Russell T Davies aborde les conséquences de la criminalisation de l’homosexualité et les vies étranges de ces hommes qui vivaient cachés.

Ceci étant dit, je suis ravie que ces films aient réussi à pousser le “gay agenda” dans des séries grand public mais il ne faudrait pas non plus que la seule façon de raconter notre histoire soit en racontant des petits meurtres entre gays.

Sortez le pop-corn ?

? D.E.B.S, d’Angela Robinson

A quoi ressemblerait un film, réalisé au pic des ultra kitschs années 2000, qui se moquerait des fantasmes porno sur les lesbiennes, mettrait en scène des écolières en uniforme et prendrait pour inspiration Austin Power et les comédies romantiques pour ado ? A D.E.B.S, un film ultra-camp réalisé par la lesbienne Angela Robinson.

C’est ridicule, c’est drôle, ça ne se prend pas au sérieux. Parfait à regarder avec un bon verre de vin (ou autre, hein) et des potes.

? Looking, sur HBO

Nous avons tous et toutes une série câlin qu’on regarde quand on est malades ou déprimé·es. Pour moi, c’est Looking, une série de 2014 qui suit les aventures sexuelles, les histoires de cœur et le travail sur soi de Pat et ses deux meilleurs amis Agustin et Dom à San Francisco.

La série a été dirigée par deux showrunners dont Andrew Haigh qui avait sorti en 2011 le petit bijou Weekend. On retrouve ici sa patte : des personnages complexes et bien écrits, du gay gaze dans les scènes de sexe, des plans poétiques, de l’universalité dans la spécificité et un réalisme gay.

Dans cette série, les personnages ne sont pas gays parce qu’ils fréquentent des bars gays, ils le sont mais parce ce qu’ils se sont construits avec le regard de la société et de leur famille sur leur orientation, parce qu’ils font partie de la communauté gay, et que tout cela se ressent dans leur personnalité et leurs complexes à l’âge adulte. Looking prouve au passage que l’on peut écrire des personnages gays complexes sans montrer de coming-out. Thanks ?

Dans un registre beaucoup moins prétentieux, on notera aussi que la relation entre les très sexy Patrick et Richie est au top. L’épisode 5 de la saison 1 qui leur est dédié est tellement beau qu’il devrait être encadré.

Petite cerise sur le ?, la série est fidèle à la diversité (masculine) de San Francisco. Certes, Patrick, le personnage principal, est un WASP bourgeois mais les autres personnages principaux sont un Cubain des beaux-quartiers, un quadragénaire blanc et un coiffeur mexicain. On apprécie aussi la présence d’un bear un peu folle, d’un sexagénaire veuf (joué par Scott Bakula – I kid you not), d’un personnage séropo et d’un hétéro noir qui se travestit.

Après deux saisons, la série a eu le droit à une conclusion en beauté sous forme de téléfilm. Parfait ! Disponible sur OCS.

L’actu paillettes ✨

Puisqu’on parle de queer qui infiltre le mainstream. Bilal Hassani, désormais en demi-finale de Destination Eurovision, raconte son engagement et ses ambitions. [Manifesto XXI]

Êtes-vous au courant de l’actu culturelle lesbienne ? Avez-vous le droit à votre carte LGBT+ ? Vous le saurez en faisant le quiz de Lesbien Raisonnable. [Lesbien Raisonnable]

The L Word fête ses 15 ans ! Je vous dis pourquoi les lesbiennes aiment toujours autant cette série. [Komitid]

Où l’on apprend que la mère de Melvin Poupaud est lesbienne et qu’il a grandi entouré d’habitué·es du Palace. Est-ce pour ça que cet hétéro joue tant de rôles queers ? [Komitid]

La représentation, c’est bien. Les actions, c’est mieux. Netflix a décidé de ne pas tourner sa série OBX en Caroline du Nord compte-tenu des positions homophobes de l’état. [Advocate]

Bravo aussi à Marvel dont le prochain Spider-Man mettra en scène deux acteurs trans. [Tetu]

Les producteurs de Family Guy ont décidé d’arrêter de faire des blagues homophobes. Pas de quoi se la péter. [AV Club]

Le clip de Léonie Pernet avec Hanaa Ouassim avec est au top. [Friction Magazine]

L’icône unicorn : Lily Tomlin ?

Peu connue en France, Lily Tomlin est une véritable icône lesbienne aux Etats-Unis. BFF de Jane Fonda, humoriste et star du classique 9 to 5, c’est une lesbienne septuagénaire aussi drôle que stylée.

Pour promouvoir sa (génialissime) série Netflix Grace & Frankie, dans laquelle elle joue une hippie sex positive, elle s’est rendue chez Ellen avec sa coéquipière Jane Fonda. Entre deux blagues, elle explique pourquoi elle a refusé de faire son coming-out en couverture du Time en 1975. C’est à voir ici.

L’actrice américaine était alors déjà en couple avec Jane Wagner. Elles sont ensemble depuis désormais 47 ans, oui, oui 47 ans !!, et ne l’a jamais caché. En 2006, elle avait expliqué au MetroWeekly qu’à l’époque, on ne faisait pas de coming-out, les journalistes étaient au courant mais écrivaient ce qui leur semblait « adapté ».

Vous pouvez la suivre sur Twitter où elle a un compte commun avec sa femme. Niveau de mignonnerie : maximal.

Le quart d’heure musical ?

Cette semaine, j’ai craqué sur la musique de l’Australienne engagée Momo Juju – je vous recommande vivement ce portrait d’elle dans Le Monde. A retrouver sur Spotify et Deezer !

 


Sur ce, à la semaine prochaine.

Love, Aline