Bon, finalement, cette 72ème édition du festival de Cannes n’a pas été si chiante que ça.

Le tapis rouge était, comme d’hab, d’une chianterie impossible, mais Kiddy Smile a apporté un vent de fraîcheur avec sa combinaison décolletée à sequins et sa robe orange fleurie. Il explique comment il a réussi à contourner le dress code dans Vogue US (ouais, ouais). Il ne serait pas en train de devenir notre Billy Porter à nous ?

Le festival a, comme d’hab, donné beaucoup de visibilité à des vieux croûtons, bonjour l’hommage à Delon, mais il a aussi diffusé plusieurs films queers qui sont, à croire le Tout-Twitter, excellents. C’est l’heure du jugement arc-en-ciel.

La Jeune fille en feu de notre parfaite réalesbienne Céline Sciamma (Naissance des pieuvres, Tomboy, Bande de filles) a agité bien du monde. Le film raconte une histoire d’amour entre deux femmes dans la Bretagne du XVIIIème siècle. Le film est apparemment magnifique, vibrant, le genre qui fait chialer. Pas besoin de l’avoir vu pour savoir que ce film va marquer le cinéma : il impose un female gaze trop longtemps tu et oblige les spectateurices à réfléchir à la place des femmes et des lesbiennes dans l’histoire.

En effet, ce film balance une grosse exclu : les lesbiennes et les femmes artistes ont toujours existées ! Il serait grand temps de s’intéresser à leurs histoires. Comme l’a si bien expliqué Iris Brey, autrice de Sex and the City (dont je vous avais parlé), dans Marie-Claire, “Sciamma met la lumière sur des personnes et personnages invisibilisés du canon artistique, mais elle dit aussi que cette passion entre femmes a la même valeur que toutes les passions hétérosexuelles qui ont construit nos imaginaires littéraires et cinéphiles”. Que j’aime cette tendance des films et séries d’époque sur des femmes attirées par des femmes ! (Mon coeur continue de vibrer chaque semaine pour Gentleman Jack.)

Après le très critiqué Ma vie avec John F. Donovan (qui était pourtant si puissant), Xavier Dolan revient avec un film québécois : Matthias et Maxime. On retrouve ces thèmes préférés : des êtres qui se cherchent, des rapports mère/fils houleux, de l’homosexualité. J’ai hâte. Si Xavier Dolan ne veut toujours pas qu’on dise de ses films qu’ils sont gays, il se sent, en revanche, plus à l’aise avec l’écriture de personnages gays dans ses films. Il souhaite désormais être plus audacieux et expensif, surtout quand il s’agit des scènes de sexe gay. Son interview dans le NY Times est très intéressante.

Côté Un Certain Regard, on a aussi beaucoup entendu parler de Port Authority, premier film de la réalisatrice queer Danielle Lessovitz que tout le monde a comparé à la série Pose parce qu’il parle de la ball culture, du voguing et du sida. Ce que je retiens, c’est que l’équipe a vogué sur le tapis rouge, qu’une femme trans noire, Leyna Bloom, a monté les marches et que je suis au taquet.

Et puis, hors compétition bien sûr, il y avait Rocketman, le biopic de l’iconique Elton John, réalisé par Dexter Fletcher. Plutôt qu’un drame qui décrit avec réalisme la naissance du personnage d’Elton John, son succès planétaire et sa descente aux enfers, Rocketman est une comédie musicale fantastique qui nous plonge dans la vie de ce surdoué mal-aimé.

On nous avait promis une scène de sexe gay audacieuse, j’ai été un peu déçue. Oui, sexe il y a, mais tout cela manque un peu de passion. On est plus sur du Call me by your name que sur 120 battements par minutes. Mais ce n’est qu’un détail, cette comédie musicale mérite définitivement les applaudissements du lobby LGBT. Grâce à la participation d’Elton John et son mari à la production, Rocketman est aussi gay qu’une comédie musicale peut l’être. Et ce n’est pas juste parce qu’on y voit orgies, tenues fantasmagoriques et fellations. A bien d’égards, Rocketman est avant tout un film sur l’acceptation de soi, sur le chemin qu’Elton John a dû parcourir pour accepter son homosexualité.

Il y a quelques mois, je me désolais du manque de personnages LGBT dans les comédies musicales, Rocketman rectifie ça avec brio.

Les réaLGBT ont aussi présenté des films qui mettaient en scène des hétéros comme Christophe Honoré et son Chambre 212, tandis que des réalisateurices cishétéros ont mis en scène des personnages LGBT+. Komitid avait fait le point sur la question avant le festival.

Bref, un cru plus LGBT+ et féminin que d’habitude, même si cela ne s’est pas trop ressenti dans les récompenses (La jeune fille en feu n’a remporté « que » la Queer Palm et le Prix du scénario). Ce que j’en conclus : les artistes LGBT+ font tant de bons films, que les festivals ne peuvent plus les ignorer. We’re here, we’re queer et on va envahir les cinémas ! 

Sortez le pop-corn ?

? Easy, Netflix

Easy fait partie de ses séries difficile à expliquer. C’est une série chorale qui met en scène de nombreux personnages vivant à Chicago. Elles et ils se croisent parfois au détour d’un rendez-vous Tinder ou lors d’un baby-sitting. C’est une série qui prend son temps et laisse les émotions et les contradictions s’exprimer. C’est une série qui montre la complexité de la vie et des relations.

Lorsque sa première saison est sortie en 2016, je n’en croyais pas mes yeux : un épisode était dédié à un couple latino-américain aisé qui parlait espagnol chez soi, un autre à une femme qui prétendait être végane et aimer le vélo pour plaire à une femme qu’elle avait rencontré. Dans la saison 2, un épisode magnifique mettait en scène une ado grosse qui ne voulait plus aller à l’église, sans que jamais son poids ne soit un sujet. Joe Swanberg, créateur de la série et homme blanc cis hétéro, nous avait vu·es, nous les minorités. Il nous avait donné une voix, une vraie voix, une voix qui nous ressemblait, une voix pour nous et pas pour les autres.

Cette attention pour la représentation de la réalité est toujours là dans cette troisième saison. Un couple de lesbiennes essaie de se séparer, une hétéro enchaîne les dates, une fois avec une femme, un homme s’aventure dans un donjon BDSM. Ce qui me surprend avec cette série, c’est son degré de réalisme. Prenez les deux lesbiennes : tout semble juste, de leur lingerie à leurs poils des aisselles en passant par leurs conversations. Yespleasemore !

? Booksmart, Netflix

Quelle claque, ce film ! Les highschool movies sont souvent vus comme un genre de seconde classe, comme des films pas très importants pour un public un peu débile. Avec Booksmart, Olivia Wilde signe un film qui prend son sujet au sérieux sans se prendre au sérieux, un film beau et complètement barré, un film sur la Gen Z dans lequel toutes les orientations sexuelles ont leur place.

La veille de leur remise de diplôme de lycée, deux amies réalisent qu’elles sont passées à côté de leurs années de lycée à force de travailler. Elles décident de rattraper le temps perdu en allant à une soirée. Ne vous laissez pas avoir par ce synopsis, Booksmart n’est pas un énième film sur une bande de potes qui vivent une soirée folle ou sur des ados qui veulent perdre leur virginité avant d’entrer à la fac. Booksmart est un film sur une amitié entre deux filles nerds.

Enfin, un film où les nerds ne sont pas des mecs obsédés par le cul et les filles de gentilles lycéennes qui ne font pas de vague. Que cela fait du bien de voir de vraies filles nerds, de vraies filles dont tout le monde se moque et qui s’en fichent. Amy (Kaitlyn Dever de Beautiful Boy) et Mollie (Beanie Feldstein de Lady Bird) sont drôles, ambitieuses et féministes – de futures Leslie Knope -, elles sont fières de qui elles sont et ne prévoient pas de changer. Mollie est grosse, Amy est lesbienne et ce sont des non-sujets.

J’aurais tellement de choses à dire sur la diversité des personnages, la façon dont Olivia Wilde fait exploser les clichés en plein vol, le génie de Billie Lourd, la bande-son parfaite, la complexité des personnages secondaires, la bienveillance qui émane de ce film, la réalisation fluide et audacieuse de ce long-métrage, les références féministes qui pullulent dans le film, la mignonnerie des adultes de cette comédie, les deux personnages gays ou encore l’éloge de la sororité de ce film, mais je vais me concentrer sur la vie amoureuse et sexuelle d’Amy.

Il y aura un avant et après Booksmart en terme de représentation de la lesbiannité. On aime tout dans ce film : la façon dont Amy essaie de savoir si son crush aime les filles, sa maîtrise de la masturbation, son visionnage de porno dans un taxi, ses papillons dans le ventre, ses déceptions, sa première fois sexy et drôle à la fois (une scène qui va devenir culte). Quel brio !

Le film est disponible sur Netflix, prêt à être vu par tous et toutes les adolescentes de 12 à 37 ans. Il passera même au cinéma dans certains pays (oh salut l’Australie !), ce qui me ravit. Digne héritier du Breakfast Club et de 10 Bonnes raisons de te larguer, c’est le film à ne pas rater.

 

L’actu paillettes ✨

Je pensais que je ne pouvais pas être plus excitée par la sortie du film Downton Abbey. J’avais tort. La bande-annonce montre Thomas Barrow en train de rouler des patins à un homme. Trouvera-t-il enfin l’amour ? Aura-t-il le droit à une happy ending ? [YouTube]

La hype monte avec cette première bande-annonce de Tales of the City. [Têtu]

Des chaînes publiques américaines refusent de diffuser l’épisode du dessin animé Arthur dans lequel deux personnages masculins se mariaient. Faudrait pas corrompre la jeunesse, non plus. [Out]

La suite de The L Word s’appellera Generation Q. « Q » pour « queer » ? « Q » pour « pas que des lesbiennes blanches et riches » ? Autostraddle a une meilleure idée : “The L Word” Reboot Will Be Called “Generation Q,” Which Probably Stands For “Quasimodo” [Autostraddle]

Pour Virginie Despentes, Canal + n’a rien compris à Vernon Subutex. [Ozap]

Les OUT d’or, la cérémonie qui célèbre la visibilité des personnes LGBTI, est de retour pour une troisième édition ! Découvrez la liste des nommé·es (Skam ! 10 pour cent ! Kiddy Smile !) et votez pour la personnalité de l’année. Je vous préviens, c’est pas facile de faire un choix. [Komitid]

Sinon, GLAAD a fait le compte et il n’y a eu aucun personnage trans dans les films des septs studios majeurs américains en 2018. Mais il y a des points positifs. [Têtu]


Baïïïïïïïïïïïïïïï les beautés,

Aline