Ca y est, I like that a dépassé les 40 numéros. Quarante ! Comme j’adore les clichés de cinéma de bas étage, j’ai commencé une crise de la quarantaine. A quoi sert cette newsletter ? Est-elle toujours séduisante ? Où va-t-elle ? Et moi, où vais-je ? 

J’ai lancé I like that en décembre dernier. Je voulais profiter de mon chômage pour écrire enfin sur mon sujet de prédiléction depuis toujours : la culture pop. Après tout, j’étais hyper légitime : j’avais écrit le scénario d’un court-métrage que je n’ai jamais réalisé, étais deux mois en fac de ciné et fait un stage photocopie dans le milieu ! Ravie d’avoir enfin une plateforme pour parler de représentation LGBTQ+ dans les médias, j’ai beaucoup écrit, vraiment beaucoup : un numéro par semaine, souvent très (trop ?) long, ça prend du temps.

Aujourd’hui, alors que la fin de mes indemnités chômage approche, j’ai besoin de me libérer du temps pour me concentrer sur des projets rémunérateurs – d’ailleurs, cher·es journalistes, n’hésitez pas à faire appel à moi pour vos sujets papier, web et audio ! Vous allez me dire, I like that pourrait s’autofinancer. C’est vrai, mais pour cela il faut que la newsletter devienne plus accessible. Il était temps de faire quelques changements pour que I like that soit plus facile à gérer de mon côté et plus facile à lire du votre.

A partir d’aujourd’hui, la newsletter sortira toutes les deux semaines sous un format un peu différent, moins verbeux j’espère. Entre chaque numéro, iel (I like that a une âme non-binaire) vivra sa meilleure vie sur les réseaux. Je posterai plus d’actu et d’analyses sur Twitter et publierai des recommandations de films, livres, séries et musique inédites sur Instagram. Bref, I like that deviendra multimédia. La classe à Dallas ! Pour fêter ça, j’ai offert une refonte, très nécessaire, au site – j’espère qu’il m’en est reconnaissant. Vous pouvez y retrouver facilement tous les anciens numéros et les envoyer à vos ami·es – vous aussi vivez le plaisir d’offrir !

Si vous aimez I like that, parlez-en autour de vous, transférez cet email à des collègues, retweetez, envoyez des stories Instagram à vos besties. Plus, I like that sera suivi·e, plus iel aura de chance de rapporter quelques pépettes et plus je pourrais lui dédier du temps ! Vous pouvez aussi aider I like that en faisant un don. Sur Tipeee, vous pouvez faire des dons mensuel. Vous pouvez donner à partir de 1€. Demandez-vous : combien vaut la lecture de chaque newsletter ? De story quasi-quotidiennes sur Instagram ?

Voilà, c’était la fin de ce message officiel. Voici désormais une newsletter excitante où je vous parlerai de mes deux passions : The Politician et ma puce Xavier Dolan.

Sortez le popcorne

Matthias et Maxime, Xavier Dolan

Ces dernières années, Xavier Dolan a bien changé, il est plus posé et a découvert le plaisir d’avoir une bande d’amis. Et ça lui va TRES bien. Matthias et Maxime est un film doux, jeune et joyeux, sur une bande de potes trentenaires – joués par ses propres amis – et le lien qui unit deux d’entre eux, Matthias et Maxime. Suite à un pari, ils s’embrassent et leur relation en est changée à jamais. Xavier Dolan signe un grand film qui mélange les genres : on passe du rire à l’émotion en passant par le caliente sans s’en rendre compte. Les plans contemplatifs nous prennent au ventre. Les scènes avec la bande d’amis sont drôles et heureuses – donnez sa série télé à la sœur de Rivette ! Et pendant ce temps, mine de rien, la température monte. Voilà un film qui donne chaud sans montrer ni nudité, ni baise ni baiser.

? Le Club des cœurs brisés, Greg Berlanti

Passé inaperçu en France, Le Club des cœurs brisés est culte chez les LGBTQ+ nord-américains. Premier film du scénariste gay Greg Berlanti (Riverdale, Love, Simon, Batwoman), il s’agit probablement de la première comédie romantique gay. C’est drôle, joyeux, mignon et en plus on y voit Billy Porter jeune, Zach Braff en gay décoloré à baggie, Justin Théroux en snack appétissant et plein d’autres stars des années 90. Les acteurs hétéros jouent les hommes gays sans cliché. Le secret : l’immersion et une équipe mixte. Greg Berlanti et les acteurs sont revenus sur cette expérience dans Entertainment Weekly. Film gay parfait, Broken Hearts Club (son nom US) dresse le portrait d’une communauté LGBTQ+ pleine d’énergie et d’espoir, rit des codes de la culture gay, dénonces ses côtés les plus sombres, comme la solitude ou la pression à la beauté, tout en traitant de sujets universels comme la recherche du bonheur et de l’acceptation de soi. Une pépite qu’il faudra chercher dans une boutique de location de DVD ou sur le dark web.

? Mytho, sur Arte

Mytho a été comparée à Breaking Bad et Desperate Housewives et elle le mérite. La série Arte s’intéresse avec brio aux faux-semblants des banlieues pavillonnaires, à la charge mentale, aux mecs à deux balles et aux mensonges, petits et gros. C’est le point de départ de la série : Elvira est une mère de famille au bord de la crise de nerfs qui s’invente un cancer pour que sa famille la regarde enfin. Elle est loin d’être la seule à mentir. Dans une famille, surtout avec des ados, tout le monde ment, sur ses actions, son passé, son identité. Comme Sam, un·e ado en pleine réflexion sur son genre qui ne dit pas toute la vérité au garçon dont iel est amoureux·se. J’ai hâte de découvrir comment iel va évoluer dans la saison 2 (déjà commandée). Visuellement, la série est bluffante. Les personnages évoluent dans une banlieue à huis-clos irréel, oppressante et réaliste. A voir sur Arte.

L'actu qui met des paillettes

Pourquoi les artistes font-iels leur coming-out dans leurs chansons ? EN [Them.]

Bilal Hassani a dévoilé sa chanson “Monarchie absolue”, featuring le rappeur Elkapote, connu pour ses propos misogynes et homophobes. Le clip est drôle et fun mais wtf cette collaboration ! [20 minutes]

Ellen DeGeneres continue de décevoir. Cette fois-ci, elle a défendu son amitié avec l’ancien président homophobe George W. Bush… Est-elle toujours un modèle ? EN [Out]

Pour marquer les 20 ans de Boys dont Cry, le New York Times revient sur la façon dont le film a été reçu à l’époque (transphobie bonjour), sur le casting d’Hillary Swank et ce que sa présence aux Oscars a signifié. EN [NY Times]

The L Word a dévoilé un nouveau clip pour bien qu’on comprenne que la série n’est plus lesbienne mais queer. Spoiler, ça fait toujours aussi forcé. [Twitter]

Mais que se passe-t-il ?

Est-ce un hasard si mes deux chouchous d’amour Ryan Murphy chéri et ma puce Xavier Dolan ont sorti presque en même temps une série, The Politician, et un film, Matthias et Maxime, dans lesquels des personnes de même sexe s’aiment sans s’interroger sur leur orientation sexuelle ? 

Au début de Matthias et Maxime, Max, joué par Xavier Dolan, regarde par la fenêtre de la voiture une publicité mettant en scène la famille parfaite, un père, une mère, deux enfants, grand sourire, peau blanche, pas un kilo de trop. On voit bien qu’il ne croit pas à ce modèle mais on n’en saura jamais plus sur la famille qui le fait rêver. Plus tard, on apprend qu’il a embrassé un garçon au collège et on le voit draguer sa collègue – est-il bi, hétéro, dans le placard, dans l’ignorance de son orientation ou out ? Et qu’en est-il de Matt ? Est-il perturbé par ce baiser parce qu’il s’agit d’un homme ? De son meilleur ami ? Qu’il est couple (avec une femme) ? En interview, Xavier Dolan a répété que ce film était sur deux hétéros mais rien dans le film ne le prouve. Tout est laissé à l’interprétation. 

Dans The Politician, dont je vous parlais il y a deux semaines, même schéma avec Payton et River. Les deux entretiennent une relation amoureuse atypique et leur orientation sexuelle est plus ou moins floue. On sait que River est attiré par des hommes – c’est sa copine qui le dit – mais que c’est un secret. Quant à Payton, lui aussi en couple avec une fille, on ne sait pas s’il est attiré uniquement par River ou par les hommes en général. A-t-il réfléchi à son orientation sexuelle, l’assume-t-il ? Cela semble être un non-sujet. D’autres personnages ont des relations avec des personnes de même sexe et, à part Skye, aucun ne revendique d’étiquettes. Georgina Hobart et McAfee sont-elles bi, lesbiennes, refoulées, fières ? On ne sait pas non plus si James, joué par l’acteur trans Theo Germaine, est trans, mais c’est une autre histoire.

Dans le passé, les films qui ne clarifiaient pas les orientations sexuelles me semblaient lâches. Dans la vie comme à l’écran, nous avions besoin d’être visibles, de montrer aux hétéros que nous existions et que nous étions fièr·es. Il fallait prononcer ces mots si longtemps tus, dire “gay”, faire entendre “lesbienne”, affirmer “bisexuel·le”. Après des décennies de sous-textes, il fallait enlever le doute, il ne s’agissait pas d’amitiés un peu particulières ou de collocs très proches, il s’agissait d’amours romantiques. 

Aujourd’hui, les temps ont changé. Les ados ont grandi avec des modèles LGTBQ+ positifs dans leur vie et sont passé·es à autre chose. Elles, ils et iels veulent vivre leurs sentiments sans se poser de question, ne pas être limité·es par des étiquettes. Pour des artistes comme Ryan Murphy et Xavier Dolan, qui ont grandi dans des mondes où l’homosexualité était invisible et la bisexualité impossible, particulièrement pour les hommes, cette prise de liberté est fascinante. Comment la jeunesse fait-elle pour vivre sans ses étiquettes qui ont été si vitales dans notre construction de soi et notre combat politique ? (La série The Bisexual en parle merveilleusement bien). 

L’intérêt pour la fluidité sexuelle masculine de Ryan Murphy, Xavier Dolan, mais aussi Dan Levy (Schitt’s Creek) ou Gregg Araki (Now Apocalypse), qui se revendiquent tous gays, indique une entrée dans une nouvelle ère. Pour faire avancer la cause LGBTQ+, nous devons nous libérer du carcan binaire dans lequel l’hétéronormativité nous a coincé·es, ne plus penser en termes d’homo et d’hétéro. Remettre en cause le concept même des orientations sexuelles, c’est améliorer notre compréhension du désir et du genre.

Ce qui est frappant dans tous ces films et séries, c’est que l’exploration de la fluidité ne se fait pas dans l’invisibilisation de l’homo/bisexualité. Dans Matthias et Maxime, l’homosexualité de leur ami Rivette revient constamment, de façon joyeuse et normale. Dans The Politician, Skye brandit sa lesbiennité pour se démarquer de ses concurrents politiques. La réalité des vies LGBTQ+ n’est pas non plus ignorée. Le placard y est toujours un dangereux. On se doute qu’il explique, partiellement, le mal-être de River et celui du client anglophone de Matt. Les séries montrent aussi les obstacles à la fluidité. La scène où Skye dit à McAfee qu’elle est une touriste (une hétéro en voyage au Gouinistan) rappellera de mauvais souvenirs à n’importe quelle personne bi/pan/fluide. Mais en dépit de tous ces obstacles, la fluidité sexuelle ne semble pas être un problème, elle apparaît plutôt comme une possibilité, un fait de la vie.

Le quart d'heure musical

Dans cette sélection 100% queer, encore une chanson de Thibaut Pez accompagnée d’un clip hyper beau, ambiance CMBYM. La playlist est à retrouver sur Spotify et Deezer.

Monarchie absolue de Bilal Hassani, Needle in the hay de Melissa Laveaux, Garçon formidable de Thibaut Pez, Amor libre de Esteman et Javiera Mena, Blue Ridge Mountain de Hurray for the Riff Raff

A dans deux semaines et d’ici là, rendez-vous sur les réseaux sociaux les petit·es loups,

Aline