Public a publié vendredi des photos volées d’Angèle avec sa copine dans la rue. On les voit notamment s’embrasser. La directrice de la publication du magazine estime que ce n’est pas un outing parce que “Ce qui est honteux c’est de parler de outing en 2019, 6 ans après le mariage pour tous!!!”. Alors bien sûr, cette réponse est merdique. Ce n’est pas parce qu’on a le mariage pour toustes que l’homophobie a disparu et que toutes les personnes LGBTQ+ sont d’accord pour que leur orientation sexuelle soit connue de tout le monde. Cela dit, il ne faut pas nier que la société a changé, et le rapport au coming-out aussi. Certaines célébrités ne veulent plus avoir à faire de coming-out public tandis que d’autres souhaitent être en contrôle de leur narratif (et il y a aussi toujours des stars qui préfèrent le placard). Alors comment parler de la bi ou homosexualité des célébrités dans les médias ? J’en parlais dans le dernier numéro de cette newsletter, vous m’en avez beaucoup parlé sur Insta (vous pouvez retrouver les réactions ici). Je ne pense pas qu’il y ait une réponse parfaite, mais une chose est sûre : les photos volées, c’est non !

Sortez le popcorne

 ? Dickinson, Apple TV +

Apple a sorti une série sur la vie amoureuse d’Emily Dickinson et vous n’avez jamais vu une série historique aussi absurde, cool et énervante. Comme le film Wild nights with Emily, la série Dickinson montre que la célèbre poétesse était loin d’être la vieille fille asociale et aigrie qu’on nous avait vendu jusque récemment (merci le patriarcat), et qu’elle était au contraire une femme drôle et passionnée qui refusait de se marier et avait une relation saphique avec sa meilleure amie Susan (qui épousera son frère). 
 
Pour rendre la vie amoureuse d’une poétesse du 19e siècle intéressante, la créatrice de la série, Alena Smith, a choisi de la coolifier. Dans Dickinson, les personnages parlent comme des jeunes d’aujourd’hui, dansent sur du Lizzo lors d’une séance make-over, détestent les spoilers et prennent de la drogue en soirée. Emily Dickinson a des conversations avec la mort, jouée par Wiz Khalifa, et sa soeur se fait doigter en plein dîner. En soi, l’exercice est intéressant et rigolo mais l’exécution est bien souvent lourde. Et puis soyons clair·es, trop de cool tue le cool. Et pourtant… La série fonctionne et on s’habitude très vite à cet univers déconcertant.
 
Si l’aspect historique vous intéresse, je vous recommande cet article, en anglais, qui fait le point sur ce qui est réel (sa relation avec son père) et ce qui est pure fiction (la soirée sous opium).

?  Lilly et Lana Wachowski, la grande émancipation, Erwan Desbois

Ce n’est pas un hasard si Bound, Matrix et Sense8 ont tant de succès auprès des personnes LGBTQ+. Ces films et cette série débordent de thèmes foncièrement queers : la recherche de la vérité, de sa vérité, l’émancipation des cases dans lesquelles la société nous coince et l’importance de se créer sa propre famille. Ce sont des thèmes chers aux sœurs Wachowski, leurs scénaristes et réalisatrice. Pour elles, la réalité est plus que ce qu’il apparaît. En nous débarrassant de son modèle oppressif et sectaire, nous pouvons créer un nouveau monde dans laquel chacun est libre d’être soi. Dans son livre Lilly et Lana Wachowski, la grande émancipation, Erwan Desbois revient sur les messages véhiculés par les deux sœurs transgenres, sur leur rêve d’une révolte intersectionnelle et leur envie d’un nouveau monde plus sensible et empathique. Avec leurs œuvres noires, de science-fiction ou adaptées de manga, elles nous donnent envie de croire à un monde qui a mis la binarité au placard et qui ose rêver de happy endings sans cynisme. Un livre disponible chez Playlist Society.

L'actu qui met des paillettes

Canal va lancer une chaîne digitale dédiée aux œuvres et créations LGBTQ+, européennes et internationales. Intitulée “Hello”, elle sera disponible sur la plateforme MyCanal à partir du 26 novembre 2019. Rien n’a été dit sur son catalogue… [CBnews]

Internet a réalisé qu’un film de Noël de 2004 était disponible en deux versions : une avec des parents gays, l’autre avec des parents hétéros. Le réalisateur explique pourquoi. [Comic Sands]

Disney +, la plateforme de streaming du géant américain, est désormais disponible aux US (elle arrive en France en mars). Out a fait le point sur la représentation LGBTQ+ dans son catalogue. Ca fait mal. [Out]

La scénariste et actrice Lena Waithe a interviewé Robyn Crawford, l’amie, compagne et confidente de Whitney Houston. Ça donne la pêche ✊ Butch power ! [Oprah Mag]

Le héros du jeu « Tell Me Why », de Microsoft et Dontnod, sera un homme trans. C’est plutôt une grosse news. [Korii.]

La chanteuse réunionnaise trans Louiz a sorti un clip aux airs très Beyoncé-ien. [Komitid]

Mais que se passe-t-il ?

Émue par le premier anniversaire de I like that (c’était le 18 novembre ?), j’ai relu l’état des lieux que j’avais dressé à l’époque. Un an plus tard, presque aucune phrase ne tient encore. La représentation LGBTQ+ a été considérablement améliorée. Voici le bilan de cette année un peu folle.

En 2018, je trouvais que les musicien·nes out avaient du mal à exploser. Le fait que Lil Nas X ait fait son coming-out alors qu’il était au top et qu’il n’en a pas pâtit indique que l’heure des chanteur·euses LGBTQ+ a peut-être sonné. Même en France, les jeunes stars LGBTQ+ se sont imposées. Bilal Hassani n’a peut-être pas gagné l’Eurovision mais il a fait parler toute la France. Et puis c’était aussi l’année de Pomme, Kiddy Smile et plein de nouveaux talents.

Cette année a aussi été celle de la non-binarité. Les coming-out de Sam Smith, Jonathan Van Ness et Indya Moore ont permis de populariser le concept. Sur les tapis-rouges, les super-héros queers ont réinventé la masculinité. 2019 sera à jamais l’année du costume-robe de Billy Porter, de la robe doudoune d’Ezra Miller et des hauts transparents de JVN et Cody Fern. Côté trans, l’affaire Scarlett Johansson en juillet a prouvé qu’il est désormais quasi-impossible qu’un ou une actrice cis joue un personnage trans. Tant mieux car c’est cette politique qui a permis à des acteurices trans d’avoir leur premier rôle. Maintenant qu’elles, ils et iels ont prouvé leur talent, on les voit de plus en plus. Certain·es ont même obtenu des rôles principaux dans des séries grand public, je pense notamment à Brian Michael Smith qui sera dans la prochaine série 9-1-1 : Lone star (créée par Ryan Murphy chéri).



En France, le concept de « queer » a été le dernier truc à la mode. On est à deux doigts de l’overdose des jeux de mots queer/cuir. On applaudit aussi l’arrivée dans la culture générale du “camp”. Finally ! Signe que les choses changent du côté de chez nous, la Mairie de Paris a accueilli une exposition sur l’histoire du cinéma LGBTQ+ ?. En salle, les films mettant en scène des personnages LGBTQ+ sont toujours à trouver du côté du cinéma indépendant, mais dans les séries, il y des signes d’amélioration : Dix pour cent a mis en avant les problèmes rencontrés par un couple de femmes, la série familiale Mytho raconte un questionnement de genre atypique, et enfin Skam a eu tant de succès que France Télévision a décidé d’investir dans la série. 

Aux Etats-Unis, les séries traitant spéficiquement des vies LGBTQ+ ont été plus nombreuses qu’à l’habitude. Cette année, nous avons eu le droit à The Bisexual, Les Chroniques de San Francisco, The L word : Génération Q (bon ok, celle-ci ne sort que dans quelques jours) et Special. Un reboot de Queer as Folk et plusieurs séries queers ont été annoncé pour 2020. Il y un air de queerness générale dans les séries sur les jeunes. Je ne me remets toujours pas du refus de normalité des personnages d’Euphoria, The Politician, Now Apocalypse, Sabrina, Sex Education, etc ! D’ailleurs, le rapport annuel de GLAAD (association qui œuvre pour une meilleure représentation médiatique des LGBTQ+ aux US) vient de sortir et confirme cela. 

Aux Etats-Unis, 10,2% des personnages principaux diffusés à la télé hors cable appartenaient à des minorités de genre et sexuelles, un record ! Si leur nombre est resté stable sur le cable, il a bien augmenté sur les plateformes de streaming. Mais ce n’est pas encore assez pour l’association. Puisque 20% des Américain·es de 18-34 ans se considèrent LGBTQ+ (oui, oui, 20% !), elle appelle désormais les chaînes à atteindre 20% de personnages LGBTQ+ d’ici 2025. Elle demande aussi à ce qu’elles continuent leurs bons résultats en terme de diversité ethnique. En effet, à l’heure actuelle, 50% des personnages queers sont racisés ! Elle note qu’il y a en revanche du boulot à faire niveau représentation des handicaps. Le nombre de personnages LGBTQ+ handicapés a bondi cette année, ils représentent désormais +3% de tous les personnages LGBTQ+, mais ce nombre est loin de représenter la réalité. Idem pour la représentation trans qui a doublé sur le cable, grâce à Pose et The L Word : Génération Q. C’est bien, mais il faut aller plus loin. Je vous recommande vivement de lire ce rapport, en anglais si vous aimez les stats. C’est fascinant ! 

Même les géants de l’entertainment se sont mis à la page. Cette année, on a enfin eu le droit à un film biopic à gros budget qui n’invisibilise pas l’homosexualité de son personnage : Rocketman. Merci pour l’orgie ! Et même Marvel, DC Comics et Disney ont sauté le cap. The CW a dévoilé la première série télé de super-héro·ïnes dont le personnage principal est LGBTQ+ : la très lesbienne Batwoman, tirée de l’univers DC Comics. Marvel a annoncé son premier super-héros LGBT dans un film, ce sera dans Les Eternels. Quant à Disney, le géant y va mollo mais y va tout de même en laissant un de ses personnages faire son coming-out. Il s’agissait de l’ado Cyrus dans l’épisode final de la série Andi Mack

Il s’est encore passé plein de choses très énervantes cette année, mais nous sommes définitivement arrivé·es à une phase d’accélération. Après tant d’années de militantisme et de lutte par les cinéastes LGBTQ+, la production culturelle semble enfin prête à représenter nos vies avec réalisme et équité. J’ai probablement manqué des éléments importants dans ce bilan. Comme d’hab, venez me raconter en MP ce que vous avez pensé de cette année, de ce que vous avez noté comme changement !

Le quart d'heure musical

Cette semaine, un mélange de nouveautés et de chansons en boucle sur mon iPod. Garanti 100% LGBTQ+. A retrouver sur Spotify et Deezer.

Haircut de Ryan Beatty, Pussy Grabs Back de Wasi, L.OV.E. Me de Hayley Kiyoko, Last Christmas de Hyphen Hyphen, Mean It de Lauv et Lany

Je vous laisse, je vais re-re-visionner les bandes-annonces de la saison 4 de Eastsiders et des nouvelles séries Everything’s gonna be okay et AJ and the queen. Quand je vous dis que 2020 va être cool !

See you in two weeks,
 

Aline