J’ai mis longtemps à regarder Les Grands, une série sur un groupe de collégien·nes. Des décennies de télévision française m’avaient convaincue qu’une série de chez nous sur des jeunes ne pouvait pas être bonne. Je me suis rarement autant plantée. Depuis la sortie de ce bijou de série en 2016, nous avons eu le droit à un enchaînement de bonnes surprises : Skam (dont je vous parlais dans la newsletter #14), Mental (je vous explique pourquoi il ne faut pas la rater sur Instagram) et Irresponsable (même si celle-ci s’intéresse plus aux adultes qu’aux ados). Elles ont beaucoup en commun. 1 – Elles sont diffusées sur OCS ou France TV Slash, la chaîne 100% numérique de France Télévisions, et non à la télé – quel·le jeunes regardent encore la télé de toute façon ? 2- Elles sont, pour la plupart, belles, bien écrites et subtiles. 3- Elles mettent en scène la jeunesse dans toute sa diversité.
Dans cette newsletter, je vais vous parler de Les Grands, qui sort le 31 octobre, et je vous avouerai une autre de mes erreurs cinéphiles : snober les films à la ferme.


? Les Grands, OCS
MJ, Hugo, Boogie, Ilyes et Avril entrent en troisième, elles et ils sont désormais les grands. Loin de régner sur l’école l’âme en paix, elles et ils sont confronté·es aux grands défis de l’adolescence : l’attraction sexuelle, le regard des autres, la recherche de sa personnalité, les changements d’ami·es, les rêves de futur, les problèmes familiaux, etc. Alors que la première saison les suit pendant cette année de 3ème et que la deuxième les accompagne pendant toute leur année de seconde, la nouvelle et dernière saison – en ligne le 31 octobre sur OCS – ne s’intéresse qu’à quelques semaines de leur vies : celles du bac.
Lumineuse, extrêmement bien écrite et jouée, la série aborde avec subtilité de nombreux thèmes épineux : la virilité, les relations amoureuses abusives, la difficulté d’obtenir justice après une agression sexuelle, l’abus de drogues en soirée, les inégalités de chance, le slut-shaming et, bien sûr, l’homophobie. Comment construire sa masculinité quand “pd” et “enculé” sont les insultes numéro 1 au collège et lycée ? Et comment gérer cette homophobie quand on est gay ? A travers le personnage d’Iliyes, la série montre la solitude d’un ado gay qui ne sait pas à qui se confier, d’un jeune qui aimerait vivre sa vie amoureuse avec la même innocence que ses amis hétéros mais qui ne peut pas. En grandissant, on le voit s’épanouir, vivre ses premières fois, se faire chambrer par ses potes, être heureux, et apprendre à vivre avec l’homophobie.
Les Grands traite la sexualité et les amours de chacun des personnages avec le sérieux qu’ils méritent, elle en fait des moments pour eux, des espaces de liberté, des opportunités pour devenir de meilleures personnes. Cette bienveillance et cette humanité se retrouvent dans l’épisode final de la série, véritable explosion d’optimisme et d’amour.

? Mrs Fletcher, OCS
Par principe, je regarde toutes les séries dans lesquelles jouent Kathryn Hahn, surtout quand elle interprète une quadragénaire hétéro qui (re)découvre sa sexualité, entourée de personnes queers. Qui peut l’oublier en rabine amoureuse d’un accro du sexe dans Transparent ou en cinéaste obsédée par un cowboy dans I love Dick ? Dans Mrs Fletcher, Kathryn Hahn joue une mère de famille qui se cherche suite au départ à l’université de son fils. Débordée par une libido renaissante, elle se lance dans une recherche de l’épanouissement sexuel drôle, décomplexant et saphique. En parallèle, elle participe à un cours d’écriture pour découvrir ce dont elle a envie dans la vie. Sa prof, jouée par l’excellente actrice trans Jen Richards (Les Chroniques de San Francisco), va l’accompagner dans sa quête. Celle-ci aborde sa transidentité ouvertement – son coming-out à ses étudiant·es est un petit bijou – et n’a pas peur de prendre des risques amoureux. Si cela n’a pas suffi à vous convaincre, sachez que la série a été créée par Monsieur Tom Perrotta, le co-créateur génial de The Leftovers.

Le festival Chéries Chéris est de retour ! Du 16 au 26 novembre, vous pourrez y voir des courts, des documentaires et des films inédits en France, comme Lola vers la mer ou Deux. [Chéries Chéri]
Le saviez-vous ? Batwoman a été créée pour garantir l’hétérosexualité de Batman. Résultat, elle est devenue super gouine. [Allociné]
Franchement, la nouvelle série Batwoman n’est pas exceptionnelle, en revanche la façon dont la série approche la vie amoureuse de la très lesbienne Kate Kane est complètement révolutionnaire. [Autostraddle]
Selon Miley Cyrus, plus besoin de sortir avec des femmes, les hommes bien existent … [Gay Times]
Frank Ocean a lancé sa soirée queer, appelée PrEP+, à l’occsion du lancemement de son nouvel album. Problème, la première n’avait rien de queer. Un peu raté le coup marketing du coup. [Têtu]

Longtemps, j’ai refusé de regarder des films ayant lieu dans des fermes. Les fermes, pour moi, Parisienne, c’étaient la boue, les animaux, la pauvreté, des tenues moches et des mentalités conservatrices. Pas vraiment ce que j’avais envie de voir à l’écran ! Ce snobisme urbain semble être fréquent : les Parisien·nes ont massivement boudé le film Au nom de la terre qui cartonne ailleurs. J’en suis revenue.
A l’occasion de la sortie de Matthias et Maxime (newsletter #40), j’ai décidé de regarder les films de Xavier Dolan que je n’avais pas encore vu et ceux qui lui avaient inspiré Matthias et Maxime. En l’espace d’une semaine, j’ai donc regardé Tom à la ferme et Seule la terre (God’s own country en VO), et c’est ainsi que je suis devenue fan du sous-genre que j’ai baptisé “films LGBTQ+ fermiers”. On le sait, le monde paysan est le grand absent du cinéma. Parce qu’il est loin des centres de création artistique, parce que peu de personnes qui en sont originaires sont acceptées dans l’élite culturelle, il est absent des conversations. C’est bien dommage car il y a beaucoup à dire sur la vie des personnes rurales, notamment LGBTQ+.
Dans Tom à la ferme, adaptation de la pièce de théâtre du même nom de Michel Marc Bouchard, Xavier Dolan met en scène un citadin qui se rend à la campagne pour l’enterrement de son compagnon. Tom souhaitait faire son deuil, il se trouve plongé dans un environnement pesant où il est difficile de faire la différence entre homophobie et désir gay réprimé. Violence, placard, mensonge, tout y est. Dans Tom à la ferme, la campagne est un monde hostile dont il faut s’évader.
A l’inverse de ce Get Out gay, Seule la terre montre qu’il est possible de s’aimer à la campagne. En s’inspirant d’un été qu’il a passé à la ferme, le réalisateur gay anglais Francis Lee signe un véritable chef d’œuvre. Seule la terre est le récit de la naissance d’un amour entre un bel immigré plein d’amour et un homme renfermé sur lui malgré son jeune âge. Johnny n’a pas de mal à rencontrer des hommes avec qui coucher, mais la difficulté de la vie à la ferme et l’injonction à la virilité l’empêche d’imaginer de la douceur, encore moins de l’amour. Ici, le monde agricole n’est pas une machine à broyer l’homosexualité. La famille de Johnny est consciente qu’il est gay. Si elle ne parle jamais directement de son homosexualité ou de ses relations, elle accepte ses choix.
Dans La Belle Saison, la campagne est un lieu où l’on peut s’aimer, mais temporairement. La réalisatrice lesbienne Catherine Corsini imagine une relation amoureuse entre deux femmes, deux générations et deux mondes dans les années 1970. A Paris pour ses études, Delphine (Izïa Higelin), une jeune agricultrice, tombe amoureuse de Carole (Cécile de France évidemment), une enseignante et militante féministe plus âgée. Quand Delphine doit rentrer chez elle, Carole la suit. Elles ont beau cacher leur relation, celle-ci finit par souffrir de l’homophobie de la mère de Delphine et du village. Carole part, Delphine choisit de rester. Dans La Belle Saison, il faut choisir entre vivre heureuse et loyauté familiale. Un film à voir ne serait-ce que pour revivre les débuts du MFL et voir Izïa Higelin en salopette.
Le monde paysan est multiple et je suis ravie que de nombreux films mettant en scène des personnes LGBT+ rurales soient sortis ces dernires années, de Les moissonneurs d’Etienne Kallos (Afrique du Sud) à Rester vertical d’Alain Guiraudie (France) en passant par Entre les roseaux de Mikko Makela (Finlande).

Cette semaine, une sélection internationale : cinq artistes LGBTQ+ d’Afrique du Sud, du Japon, d’Inde, d’Espagne et d’Argentine. Nouvelle saison d’I like That, nouvelle playlist. Rendez-vous sur Spotify et Deezer pour l’écouter.
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Voilà, merci, bisous, et à très vite sur Twitter et Instagram,